A revoir : « Billy Elliot » de Stephen Daldry

Published : 5 April 2021

Proposé par Sr Hélène Feisthammel

Angleterre du Nord, 1984. Billy Elliot, jeune garçon de onze ans, devient adepte des cours de danse délivrés dans le gymnase de la ville. Alors que ses amis prennent des leçons de boxe et que son père (Jackie) et son frère (Tony) sont engagés dans la grève des mineurs, Billy se bat de son côté pour faire admettre à son entourage sa passion pour la danse.

Pourquoi vouloir danser lorsqu’on est un garçon, qui plus est fils de mineur anglais ? Se basant sur cette problématique, « Billy Elliot » est bel et bien un film sur la passion pour la danse et non, comme on le lui a souvent reproché à tort, une énième comédie sur la crise sociale en Angleterre, comme a pu l’être « The Full Monthy ». Car, si les scénaristes ont inscrit leur histoire dans le cadre de la grève des mineurs sous le gouvernement Thatcher, ce n’est pas dans le simple but d’évoquer ce passage trouble de l’histoire anglaise, mais bien dans celui de servir le récit principal de cette œuvre. Le contexte sociologique dans lequel le jeune Billy évolue se place ici comme une toile de fond destinée à mettre en évidence le combat qu’il mène face à un monde machiste déchiré par la crise. Lors d’une interview à propos du message que véhicule le film, le scénariste Lee Hall déclare : « Notre société est appauvrie du fait de l’impossibilité qu’ont les gens créatifs et volontaires de s’exprimer ».

Si Billy est en rupture avec cette société appauvrie, il l’est également, et par-dessus tout, avec sa famille, qui se résume à un foyer sans mère, régi par la grève, où toute trace d’expression artistique a disparu. Les disques que son frère Tony écoute le soir dans son lit et le piano sur lequel sa mère le laissait jouer lui sont interdits. Quant à la seule présence féminine de la maison, elle est réduite à une grand-mère désorientée, femme de mineur restée au foyer alors qu’elle rêvait de devenir danseuse. C’est ainsi qu’en réaction à ce monde de désirs refoulés, Billy se laisse emporter par la magie de la danse. Dans ce nouvel univers, considéré comme peu viril par des hommes trop occupés à détruire ce qui les entoure, les sentiments sont non seulement autorisés, mais surtout utilisés comme outils de création (voir la scène où, énervé contre son père, Billy se lance dans un numéro de claquettes à couper le souffle). Dans une des dernières scènes, Billy expose à un jury perplexe le sentiment qu’il éprouve lorsqu’il danse, signant en un parfait monologue un véritable manifeste de ce que la danse et l’art en général représentent.

Outre ce parti pris d’une approche détournée de la danse, le plus grand pari du film résidait dans le choix de l’interprète de Billy. Un véritable tour de force que celui de trouver un jeune anglais d’une dizaine d’années sachant danser et jouer la comédie de manière égale, de telle sorte que le film ne souffre pas d’un manque de cohérence, sachant qu’il allait reposer entièrement sur les épaules de l’acteur. Défi relevé et parfaitement réussi par Jamie Bell. Se basant sur sa propre expérience de danseur, il offre à Billy les sentiments et les états de corps nécessaires pour rendre son personnage totalement crédible. Sa passion pour la danse transpire jusque dans son jeu et ses mouvements. Aucune fausse note ne peut être décelée, les mouvements approximatifs du débutant sont empreints d’un tel charisme qu’ils semblent être exécutés par le plus grand des virtuose. Jamie Bell a ce petit quelque chose, le milieu de la danse appelle ça « la présence », qui permet de transcender le simple jeu d’acteur pour faire vivre son personnage au-delà du film.

Toujours juste même s’il n’échappe pas à quelques effets appuyés, « Billy Elliot » est un film qui remue le cœur par la détermination rêche et sauvage de son jeune interprète. Même si les ressorts de l’intrigue sont apparents, l’émotion fait décoller le film et tient en haleine jusqu’au bout. Une certaine modestie dans le regard, un allant et un élan dans le tournage, une évolution dans les rapports entre un père et un fils, une interprétation convaincante suffisent à en faire un film digne d’être regardé.