Catherine de Sienne : une vision anthropologique pour notre époque #1

Sr Elena Ascoli, de la Communauté “Madonna del Sorriso”, Ganghereto (Italie), a donné de nombreuses conférences sur une figure marquante de la spiritualité dominicaine : Catherine de Sienne. Voici la 1ère partie d’une série d’articles sur cette femme remplie “du feu d’amour pour Dieu et pour tous les hommes”.

PREMIERE PARTIE

Nous disons tous que nous vivons à une époque de grandeur et de progrès, mais nous sommes aussi souvent désorientés par ces changements. Le thème de cette réflexion est basé sur la conviction qu’aujourd’hui comme hier, l’homme doit trouver son chemin vers le cœur, qui est le véritable champ de bataille de nombreuses angoisses , en harmonisant toutes les forces d’affection et de raison — pour reprendre les propres expressions de Catherine — « avec la lumière de la sainte foi ».

C’est seulement en acceptant cette descente vers l’intériorité que l’homme, prisonnier de l’intellectualisme contemporain, trouvera les questions essentielles et le chemin qui lui permettront d’atteindre l’amour de la sagesse qui transcende toutes les contingences historiques.

Dans les événements de la vie, l’homme est comme pris entre deux feux : l’indifférence et le don de soi. Face à toute souffrance, qu’elle soit personnelle ou communautaire, nous avons l’expérience des jeunes protagonistes du Décaméron (recueil de nouvelles écrites par Giovanni Boccaccio) ou, dans ce reflet précis de la nôtre, de Caterina Benincasa, pour nous Catherine de Sienne : une douleur qui est observée et rejetée, ou considérée et offerte avec amour, par amour.
C’est pourquoi la réflexion philosophique, même lorsqu’elle semble éloignée de toute religiosité, peut être comparée à la réflexion des saints, des grands mystiques.
Regarder l’histoire du point de vue des saints, c’est regarder l’histoire du point de vue de l’Éternité.

Le thème est peut-être inhabituel, car nous, les chrétiens, avons quelque peu relégué les saints dans les églises et, en partie, dans les musées.
Au contraire, les saints ont été et sont encore sur les routes de notre histoire.

Il peut sembler étrange de comparer les années que Ste Catherine de Sienne a vécues, 1347-1380, avec notre siècle. C’est toujours émouvant de parler de Ste Catherine, parce que, quand nous parlons des saints, nous ne faisons pas de théories, mais nous regardons notre histoire avec eux et de leur point de vue qui est toujours actuel et engageant.

Aujourd’hui, Ste Catherine peut parler à ceux qui cherchent un sens à leur vie.

Sa propre expérience, son feu d’amour pour Dieu et pour tous les hommes, son amour de la vie, exprimé en images qui sont le fruit de sa contemplation, peuvent toucher le cœur et l’esprit de nombreuses personnes.

Un exemple très significatif est ce qu’elle a écrit à propos d’un tel Nicolas Tuldo, un jeune homme de Pérouse accusé d’espionnage et condamné à mort.

Lisons ensemble quelques passages de la Lettre CXLIII (97), que la jeune Catherine a envoyée à son confesseur le bienheureux Raymond de Capoue :

« Je suis allée visiter celui que vous savez, et il en reçut tant de force et de consolation, qu’il se confessa et se trouva dans les meilleures dispositions. Il me fit promettre, pour l’amour de Dieu que, quand viendrait le jour de la justice, je serais avec lui; et, ce que j’ai promis, je l’ai fait.

Le matin, avant le premier coup de la cloche, j’allai le trouver, et il fut grandement console. Je le menai entendre la messe, et il reçut la sainte Communion, dont il s’était toujours éloigné. Sa volonté était unie et soumise à la volonté de Dieu. Il lui restait seulement la crainte d’être faible au moment suprême; mais l’infinie bonté de Dieu le trompa, en l’enflammant d’un tel amour et d’un tel désir, qu’il ne pouvait se rassasier de sa présence. il disait : Reste avec moi, ne m’abandonne pas, et je serai toujours bien, je mourrai content. Et il appuyait sa tête sur ma poitrine.

Alors je sentis une joie et un parfum de son sang, qui était comme mêlé avec le mien, que je désire répandre pour le doux Epoux Jésus. Ce désir augmentait dans mon âme, et quand je sentais sa crainte, je disais: Courage, mon doux Frère, car bientôt nous serons au noces éternelles; tu iras, baigné dans le doux sang du Fils de Dieu, avec le doux nom de Jésus, qui ne doit jamais sortir de ta mémoire, et je t’attendrai au lieu de la justice.

O mon Père et mon Fils ! son cœur perdit alors toute crainte; la tristesse de son visage se changea en joie, et, dans son allégresse, il disait : “D’où me vient une si grande grâce? Quoi! la douceur de mon âme m’attendra au lieu saint de la justice!” Voyez quelle lumière il avait reçue, puisqu’il appelait saint le lieu de la justice. Et il ajoutait: " Oui, j’irai fort et joyeux et il me semble que j’ai encore mille années à attendre, lorsque je pense que vous y serez.

Il arriva enfin, comme un agneau paisible, et en me voyant il se mit à sourire. Il voulut que je lui fisse le signe de la Croix, et quand il l’eut reçu, je lui dis tout bas : Mon doux frère, allez aux noces éternelles jouir de la vie qui ne finit jamais. Il s’étendit avec une grande douceur, et je lui découvris le cou. J’étais baissée vers lui, et je lui rappelais le sang de l’Agneau. Sa bouche ne disait autre chose que Jésus, Catherine, et, en disant ces mots, je reçus sa tête dans mes mains. »

Ces passages sont un portrait authentique de la femme Catherine, que les disciples de la “Belle Brigade” appelaient “mamma” (maman), et de sa foi qui est vraiment “la prunelle des yeux” pour lire ce qui se passe avec le feu de l’amour et la force d’un espérance certaine en Celui qui est la Miséricorde.

Doux Jésus, Jésus amour.

Au prochain épisode !