Catherine de Sienne : une vision anthropologique pour notre époque #2

Le voyage à la découverte de la pensée de Sainte Catherine de Sienne se poursuit, accompagné par sœur Elena Ascoli, de la communauté « Madonna del Sorriso », Ganghereto (Italie). Nous voici au deuxième épisode. Bonne lecture!

DEUXIEME PARTIE

Nous savons bien que notre époque est une période de changements, même difficiles : les Siennois ont eux aussi vécu dans la société de leur temps un travail spirituel similaire au nôtre, même si les causes en sont différentes.

Car il faut dire, pour éviter toute ambiguïté, que la science ou la technologie peuvent être la cause de désorientation, c’est toujours et seulement le cœur de l’homme qui veut s’éloigner de la volonté divine, surtout quand il se trouve au carrefour certainement difficile que j’ai mentionné dans la première partie de cette réflexion. Le mystère de la douleur et donc de la Croix est toujours la ligne de démarcation entre l’insignifiance et l’espoir de la vie et de la mort de l’homme, parce qu’en écoutant les saints nous n’apprenons pas une analyse socio-historique qui part toujours de la relativité de l’histoire, mais nous nous plongeons dans un regard contemplatif sur les vicissitudes de l’homme pour lui présenter “l’audace” de la miséricorde de Celui qui seul est le Maître et Seigneur de l’histoire.

Ce regard d’éternité qui nous est donné par les saints nous libère de l’angoisse de devenir les seuls protagonistes actifs et gestionnaires des événements de l’Église et de la société dans son ensemble.

Catherine de Sienne est l’une d’entre eux. Face aux fléaux, schismes et guerres de la seconde moitié du XIVe siècle, la jeune dominicaine s’écrie : « Le jardin de la Sainte Eglise est seul et abandonné. » L’Epouse est pâle, seule, démembrée. Elle est plus que jamais présente à l’angoisse de son temps et donne de nombreuses réponses fortes et sans compromis. Il suffirait de relire ses lettres aux hommes politiques où elle leur rappelle que la ville qu’ils gouvernent leur est prêtée, que seule la ville de l’âme leur appartient et qu’elle n’hésite pas à dire que malheureusement le monde est plein de “Ponce Pilate”.

Mais comment Caterina est-elle devenue cette femme libre, courageuse et amoureuse de la vérité ? Voici le secret : pas seulement une Vérité intellectuelle, mais une Vérité qui est la personne même du Christ tout à la fois homme et Dieu, le Doux Verbe Incarné.

Mais revenons un instant à une réflexion plus anthropologique qui – comme le dit justement Fernando Rielo ( poète et philosophe espagnol décédé en 2004 ) – est avant tout une anthropologie humaine et spirituelle. Aujourd’hui, comme l’affirme toujours Rielo, l’anthropologie s’apparente davantage à la sociologie, à l’économie, etc...

Une brève citation de Rielo :
« Nous devons pénétrer le sens profond d’une anthropologie formelle ouverte à une anthropologie transcendantale » (Fernando Rielo, Concepción mística de la antropología, Fundación Fernando Rielo, Madrid 2013 ).

Le mot “conscience” vient du latin cum + scire, qui signifie “connaître ensemble”, “connaître avec”. Nous “connaissons ensemble” Celui qui nous fait connaître notre constitution.

Un jour, Ste Caterina écrira à la comtesse Benedetta Salimbeni :

Lettre n. 330 (113)
« Si l’âme veut aimer, elle doit voir. Mais savez-vous ce que c’est que de voir et d’aimer les gens du monde ? C’est de voir l’obscurité et la morosité. Et dans cette nuit profonde, l’âme ne discerne pas la vérité ; son amour est mortel, car il lui donne la mort, enlevant la vie à la grâce. Mais pourquoi ce qu’elle voit est-il sombre ? Parce qu’il a fixé ses yeux dans l’obscurité des choses qui passent dans le monde ; il les regarde à partir de Dieu, et non dans sa bonté ; il les regarde avec un amour sensible, et cet amour sensible excite l’intelligence pour ne voir et ne connaître que les choses sensibles. »

L’anthropologie fondamentale reste celle qui contemple l’homme dans sa totalité. Mais une anthropologie trop différente laisse l’homme d’aujourd’hui avec une seule question fondamentale au cœur : qui suis-je ? Pourquoi vivre ? Quel est l’objectif ? Y a-t-il vraiment un objectif ? C’est une question que nous rencontrons également au temps de Ste Catherine.

Les lettres qu’elle nous a écrites en sont la preuve : environ 380. Catherine s’adresse à toutes les classes sociales, à tous les âges, et elle dit à chacun une chose fondamentale : son expérience. Sainte Catherine est enseignante parce qu’elle est témoin d’une vérité qui a pris vie avec un désir insatiable de vivre dans la volonté de Dieu, c’est-à-dire d’aimer ce que Dieu aime et de haïr ce qu’il déteste, en brandissant avec détermination le couteau de la haine et de l’amour. Il existe de nombreuses lettres où l’on peut trouver cet enseignement.

C’est pourquoi Catherine fascine : quel que soit son âge, sa position sociale ou ecclésiale. Des politiciens injustes, des prostituées, des usurpateurs de son temps, car ce qu’elle dit ce n’est pas des mots vides de sens, mais des mots qui reflètent son expérience. Dans la rencontre, chacun se sent accueilli et non jugé.

Ayant fait cette prémisse, nous pouvons passer immédiatement au cœur de notre sujet.

Doux Jésus, Jésus amour.

Au prochain épisode !