Célébration de la fusion : Homélie de Mgr François Fonlupt

Publié le : 6 juin 2016

Célébration de la fusion de la congrégation Saint-Dominique de Gramond avec la congrégation romaine de Saint-Dominique

Sœur Carmen, vous venez de l’exprimer au début de notre célébration ; « Le Seigneur vous a appelées à mettre en commun vos vies pour incarner le charisme dominicain. »

Et dans les intentions que j’ai formulées dans la collecte, au nom de l’assemblée que nous sommes, j’ai demandé au Seigneur : « Accorde-nous d’être dociles au souffle de l’Esprit dans l’accomplissement de la fusion. »

Pour éclairer cet événement, pour l’accompagner, pour lui donner densité et profondeur, mais aussi pour le célébrer et le fêter, pouvions-nous imaginer mieux que ce jour de fête de la Visitation, visitation que Marie accomplit en se déplaçant en hâte, avec empressement, pour rejoindre sa cousine Élisabeth chez elle, dans sa maison.

La parole que nous venons d’accueillir nous donne à la fois d’entrer dans le cœur de l’événement tel que l’évangéliste St Luc nous le rapporte, mais aussi de le laisser orienter, mettre en perspective l’événement de la fusion que vous êtes en train de vivre et que nous célébrons.

Les unes et les autres, vous êtes riches d’une longue histoire.
Dans vos vies, vous vous êtes laissées appeler et entraîner par la recherche de Dieu, le besoin de Lui, le besoin des sœurs et des frères.
Cet appel vous a mises en route chacune, vous a entraînées, engagées avec d’autres, à la suite de Saint Dominique pour accueillir la Miséricorde de Dieu et la recevoir des frères.

La conviction profonde qui nous anime tous comme croyants est de croire que nous sommes habités par un appel du Seigneur que chacune et chacun a reçu. Et c’est la réponse que nous donnons à cet appel qui nous fait vivre et nous amène à suivre Jésus, personne vivante, sur le chemin de la vie ordinaire, simple et pauvre, mais habité par Dieu.

Quand on est réellement dans un climat de simplicité partagée, en quête de Dieu en l’autre et en soi, l’Esprit nous habite et nous fait tressaillir.

La Visitation vient apporter une lumière particulière sur ce mystère de Dieu qui nous rejoint.

Marie vient d’être rejointe et comblée par l’Esprit du Seigneur qui lui donne de porter en elle le Verbe de Dieu. Ce mystère l’habite désormais, mais comment en aurait-elle pleinement conscience ? Ce mystère la met en route, avec empressement. Elle va rejoindre sa cousine Elisabeth dont elle sait qu’elle vit la même expérience d’attendre l’inattendu, d’attendre de donner la vie.
Ce que Marie a reçu de l’ange, une salutation et une bénédiction, elle le renouvelle pour sa cousine Elisabeth, et de là se noue entre elles un dialogue étonnant.

Car, la salutation de Marie provoque le tressaillement de l’enfant qu’Elisabeth porte en son sein. Et le don de l’Esprit fait jaillir chez Elisabeth une bénédiction. Elle accueille Marie non pas simplement comme sa jeune cousine, mais comme la mère de son Seigneur venant jusqu’à elle.
Et cette bénédiction devient béatitude : « heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. »

C’est alors seulement que Marie peut laisser éclater son chant du Magnificat…
Il a fallu la rencontre, l’accueil d’Élisabeth et, par elle, la reconnaissance de Marie et du don qui la comble pour que celle-ci puisse laisser éclater ce chant du Magnificat, s’associant ainsi à toutes les générations qui peuvent proclamer dans leur histoire les merveilles de Dieu.

Ainsi, la Visitation vient nous éclairer sur ce mystère de Dieu qui nous rejoint, nous appelle et se révèle à nous dans la rencontre de l’autre, dans la rencontre de vos deux histoires de congrégations. Il est très précieux pour vous aujourd’hui que ce mystère , éclaire et appelle ce à quoi vous consentez ensemble. Car j’aime à vous penser dans la situation de Marie qui va voir sa cousine Élisabeth portant en elle un secret vivant, une bonne nouvelle vivante dont elle n’a pu pleinement prendre la mesure. Tout en elle déborde, mais elle ne sait pas comment elle va s’y prendre pour livrer son secret.

Il en est de même pour vous, comme il en est de même pour notre église qui porte en elle une Bonne Nouvelle, et qui ne sait pas toujours comment la partager.

Ce mystère, déjà vous en vivez, depuis l’origine de chaque congrégation, et depuis la naissance de ce charisme porté par St Dominique. Aujourd’hui, à cause de l’évolution du temps, vous avez besoin de vous relier, de venir à la rencontre des unes et des autres, de congrégation à congrégation. Chacune, vous connaissez votre histoire dans des étapes importantes, celles de votre fondation, de votre charisme, des lieux variés, importants où modestes, où vous l’avez déployé, des étapes heureuses comme peut-être aussi celles plus difficiles. A travers tout cela, vous mesurez quelque chose du don qui vous a été fait, du don qui vous est fait, car ce don de Dieu est sans retour.
Mais peut-être ne le mesurez-vous pas encore pleinement.
Aujourd’hui, vous voilà invitées à élargir votre espace pour faire place à d’autres, invitées à vous accueillir et à vous recevoir pour découvrir que vous êtes les unes et les autres plus riches que vous ne l’imaginez, et pour en recevoir, sans doute d’une manière étonnante et non prévue une fécondité nouvelle.

Vous voilà invitées à pratiquer entre vous l’hospitalité.
Cela ne va pas aller forcément de soi. Il faut se déplacer pour se rencontrer et le vivre peu à peu dans une vraie réciprocité. Cela demande le respect de l’autre tel qu’il est, pour le rencontrer vraiment, à hauteur d’humanité. Cela demande de livrer de soi et de recevoir de l’autre pour que l’hospitalité soit vraiment réciproque. Cela demande donc du temps, de la patience, du silence, de la prière…

Vous voilà donc appelées aujourd’hui à vivre de l’Evangile, et à l’annoncer de manière hospitalière.
Et je crois que, par cet appel, et par ce chemin, vous pouvez véritablement être le signe d’une Bonne nouvelle pour les hommes et les femmes de notre temps.

Jésus le premier a témoigné de la Bonne Nouvelle de cette manière, dans la vérité de la rencontre avec les hommes et les femmes de son temps.
Il nous invite à croire que l’autre, quel qu’il soit, me parle de Dieu, et qu’en lui, l’Evangile est déjà à l’œuvre.

Nous avons encore à l’oreille l’invitation de Paul ;

Que votre amour soit sans hypocrisie.
Soyez unis les uns aux autres par l’affection fraternelle.
Rivalisez de respect.
Ne ralentissez pas votre élan.
Pratiquez l’hospitalité avec empressement.

Et nous savons celle de l’auteur de la lettre aux hébreux :

« N’oubliez pas l’hospitalité, car, grâce à elle, certains, sans le savoir, ont accueilli des anges. »
(He 1 »,2)

Vous voilà invitées à pratiquer entre vous l’hospitalité.
Et, ainsi, annoncer l’Évangile de Dieu d’une manière hospitalière.

Tel est l’univers de l’expérience chrétienne : en toute rencontre peut de nouveau se vivre la demeure de Dieu parmi les hommes. Une expérience qui nous sauve de la désespérance et de l’oubli nous donnant de vivre tout à la fois du mystère de l’autre et de sa proximité, ce qui est le salut ; et déjà nous sommes aussi sauvés de la mort parce que la rencontre conduit à croire à la vie au point de ne plus craindre la mort…

Je reviens en terminant, au Magnificat de Marie, libéré par Elisabeth. Il est ce chant qui laisse éclater la puissance de l’amour de Dieu qu’une vie seule ne peut réaliser et dont elle ne peut rendre compte. C’est cette ouverture appelée qui va nous révéler la profondeur de ce que nous portons et la richesse de l’autre qui nous ouvre à plus grand. C’est cela qui vient élargir notre eucharistie car, comme l’écrit Christian de Chergé, « finalement le Magnificat que nous pouvons, qu’il nous est donné de chanter c’est l’eucharistie. La première eucharistie de l’église, c’est le magnificat de Marie. Ce qui veut dire le besoin de nous sommes de l’autre pour faire eucharistie : pour nous et pour la multitude… »

Puisiez-vous, mes sœurs être comblées et nourries de cet accueil et de cet élan.

+ François Fonlupt

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