Cinéma : « La Liste de Schindler » de Steven Spielberg.

Publié le : 24 avril 2019

Sortie en salles / 2 mars 1994.
Reprise en salles / 13 mars 2019.
Meilleurs film, scénario, direction artistique, réalisateur, montage, photographie et musique / Oscars 1994.
Disponible en D.V.D.

« Etes-vous prêts à regarder la petite fille au manteau rouge ? »

Psaumes 9 / 10 :
« Tu as vu, toi, la peine et les pleurs,
Tu regardes pour les prendre en ta main :
A toi le faible s’abandonne,
L’orphelin, toi, tu le secours.
Brise le bras de l’impie, du méchant.
Le désir des humbles, tu l’écoutes, Seigneur,
Tu affermis leur cœur, tu tends l’oreille.
Pour juger l’orphelin et l’opprimé :
Qu’il cesse de faire peur, l’homme né de la terre ! »

« La Liste de Schindler » est un film de 1993, sur l’Holocauste, réalisé par Steven Spielberg, avec Liam Neeson, Ben Kingsley et Ralph Fiennes. Le scénario, tiré du roman éponyme de Thomas Keneally (1982), montre l’histoire vraie d’Oskar Schindler, un industriel allemand, membre du parti nazi.

« La Liste de Schindler » met parfaitement en avant comment un seul homme peut faire la différence et, en l’occurrence, comment un seul homme a pu sauver 1200 Juifs d’une mort certaine. Steven Spielberg ne dépeint pas le portrait d’un héros toutefois, car Oskar Schindler était tout sauf cela.

Le cinéaste présente des faits souvent terribles, sans les romancer, presque comme un documentaire, ce que le film tourné en noir et blanc vient renforcer. « La Liste de Schindler » est une œuvre longue (plus de 3 heures), dure, passionnante et essentielle sur l’Holocauste et sur 1200 Juifs sauvés par la volonté d’un seul.

Pour autant, Spielberg ne se rue pas tête baissée sur le cœur du sujet, sur les 1200 Juifs sauvés par Oskar Schindler. Il prend son temps pour poser l’époque et ses acteurs. On découvre ainsi l’industriel au tout début de la Seconde Guerre mondiale, dans un bar où il rencontre plusieurs gradés de l’armée allemande. Deux ans plus tard, il est à Cracovie, où il essaie de relancer une usine de casseroles avec des ouvriers juifs et avec la complicité de ses amis officiers, alors même que tous les Juifs des environs sont rassemblés dans un ghetto.

Après la rafle de Cracovie, le film se déplace du ghetto au camp de concentration de Plaszow, dans les faubourgs de la ville. Steven Spielberg montre alors les horreurs de ces lieux de travail, où les gardes pouvaient tuer n’importe qui à n’importe quel moment, ce qui n’empêche pas Oskar Schindler de continuer à profiter du système. Pourtant, c’est ce même homme qui décide d’acheter la vie d’un millier de Juifs quand le camp de Plaszow ferme ses portes et que tous ses occupants sont envoyés à Auschwitz pour être gazés.

Comment ce profiteur amoral est-il devenu un « Juste » ? Voici au fond la véritable question portée par « La Liste de Schindler », au-delà de la reconstitution historique de grande qualité qui est un témoignage important. Steven Spielberg ne répond pas de façon simple ou caricaturale. Il préfère prendre le temps de présenter cet homme dans toutes ses contradictions, dans toute sa complexité. « La Liste de Schindler » excelle à montrer comment, petit à petit, cet homme cynique décide d’utiliser tout son argent pour sauver des hommes.

Le scénario sans concession au pathos de Steven Zaillian, la photographie entre expressionnisme et néoréalisme de Janusz Kaminski (splendides plans de Schindler partiellement dans la pénombre qui reflètent les paradoxes de l’homme), l’interprétation de Liam Neeson, passionnant personnage, ambigu et humain à souhait, et face à lui, la folie de celui de Ralph Fiennes (nazi), la virtuosité et la précision de la mise en scène, la musique poignante de Johns Williams, et le message d’espoir malgré toute l’horreur en font un film magistral.

Il faudra que le regard d’Oskar Schindler soit happé par le manteau rouge d’une petite fille (Spielberg recourt à la couleur comme il le fera à 5 autres occasions dans le film) perdue, tentant d’échapper au massacre du ghetto (vainement, comme nous le découvrirons plus tard), pour qu’il prenne conscience de son identité, de l’individualité de ces Juifs qui n’étaient alors pour lui qu’une main d’œuvre bon marché. Créer cette liste sera aussi une manière de reconnaître qu’à chaque nom correspond une vie sauvée.

Plan-cadeau. Symbole de la prise de conscience d’Oskar Schindler, cette fillette au manteau rouge, qui se découpe au sein d’une photographie extrêmement contrastée, est une image forte et qui reste longtemps en mémoire.

Un manteau rouge, lueur tragique et innocente au milieu de l’horreur !

A voir ou à revoir.