Cinéma : « Mon cher enfant » (2018) par Mohamed Ben Attia

Published : 17 December 2018

Sortie en salles / Novembre 2018

Avec douceur, Mohamed Ben Attia dépeint l’explosion d’une famille dont le fils part en Syrie la veille du bac.

« Ce n’est qu’un an », entend-on dans la bouche des personnages de « Mon cher enfant », deuxième long métrage du Tunisien Mohamed Ben Attia, après le prometteur « Hedi, un vent de liberté » - qui décrivait la retombée du souffle d’espoir soulevé par la révolution de jasmin en 2011.

« Un an », qu’est-ce que c’est ? Le temps d’un dernier effort, d’ultimes sacrifices avant de passer son bac et d’emprunter les rails d’un avenir radieux, si l’on en croit les parents du jeune Sami. « Un an », c’est aussi peu ou prou le temps que couvre la course elliptique du récit, qui suffit à décrire l’anéantissement de « tout » à force de « petits riens » captés par une caméra portée et pétrie d’attentions : comment une famille ordinaire, aimable et aimante, se disloque pan par pan sans qu’on l’ait vu venir. Et pourtant, le film n’avait eu de cesse de nous alerter, égrenant les éclipses littérales ou figurées du fils, comme autant de présages de son départ tragique. Comme pour préparer ses parents trop anxieux, trop protecteurs, au silence de l’absence.

Avec sa caméra portée et son style réaliste, Mohamed Ben Attia nous fait vivre ici l’un des pires cauchemars de tout parent : réaliser « le monstre » qui sommeille en sa progéniture. Sans jamais tomber dans la morale facile, « Mon cher enfant » s’intéresse à ce qu’il se passe dans la tête des parents et dans leur manière de vivre avec ce « détail » qui modifie entière-ment la dynamique d’une famille et le rapport à ses proches. Si l’on n’a pas su déceler que son propre enfant était « un terroriste en puissance », qu’est-ce que cela dit de Riadh et de Nazli, les parents de Sami ? Qu’est-ce que cela nous dit des parents en général ?

Dans « Mon cher enfant », Mohamed Ben Attia prend son temps. Le temps de montrer que ce ne sont pas les enfants les plus démunis ou désespérés qui déraillent. Le temps de rappeler que les parents ne doivent pas être blâmés pour toutes les erreurs de leurs enfants. Et le temps de dire que la proximité avec une personne ne va pas de pair avec une connaissance approfondie de celle-ci.

Plus complexe que « Hedi, un vent de liberté », « Mon cher enfant » est un film nécessaire, qui ne donne pas de clefs pour comprendre la radicalisation, mais tord le cou aux clichés qui circulent sur Daech. Un film grave et sobre, terriblement actuel. A voir en urgence !

Sœur Hélène Feisthammel

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