Cinéma : « Yentl » par Barbra Streisand

Publicado el : 24 de diciembre de 2018

Sortie en salles / 11 avril 1984.
Ressort sur les écrans français / 12 décembre 2018.
Meilleur film musical et meilleur réalisateur / Golden Globes 1984.
Meilleure musique de film pour Michel Legrand / Oscars 1984.
Disponible en D.V.D.

Emouvant, drôle, superbe. Adapté d’une nouvelle d’Isaac Bashevis Singer, écrivain juif de re-nom, « Yentl » insiste sur le message féministe, mais la comédie reste au rendez-vous. Et la voix de Barbra Streisand aussi. La réalisatrice est restée fidèle à la nouvelle de Singer. Même si elle en a simplifié l’action. Singer écrit de manière concise, évoque les faits d’un mot ou d’une phrase. La cinéaste a supprimé des personnages pour s’en tenir à l’essentiel.

Deux pages suffisent à Singer pour que la jeune Yentl devienne le jeune Anshel, et pour que celui-ci se mêle aux étudiants qui vont en ville fréquenter la Yeshiva (école rabbinique où l’on se consacre à l’étude du Talmud). « In a time when the word of study belonged only to men, there lived a girl who dared to ask… « why ? » (Barbra Streisand) Oui, pourquoi une jeune femme ne peut-elle pas étudier la Torah ?

L’étude, selon la tradition, était réservée aux hommes. Chaque sexe ayant à respecter ses propres obligations. On considérait la femme qui étudie comme un « démon », et pourquoi d’ailleurs aurait-elle eu besoin d’étudier, de s’instruire, puisqu’elle est censée tout connaître d’instinct (« pirouette » du Talmud pour conserver le savoir aux hommes). Grimée en garçon, Yentl / Anshel peut suivre des études talmudiques à l’égal des hommes.

On imagine la succession de gags que Barbra Streisand a tirée de la situation. Le comique est l’un des apports essentiels de la comédienne. Mais c’est dans la personnalité profondément ambiguë de Yentl / Anshel, dans cette confusion des sexes – où le rôle social interfère sur la destination du sentiment et inversement – que Barbra Streisand se montre particulièrement subtile.

Si le background culturel et religieux est bel et bien présent, si l’humour juif ashkénaze pointe régulièrement, la problématique de l’identité multiple et aliénante cède la place à un récit d’émancipation crypto-féministe. Streisand livre une bataille pour faire reconnaître à son personnage le même droit au savoir sacré que les hommes qui se sont accaparé ce privilège, supposément dicté par Dieu.

Ce film est un superbe spectacle où les interventions chantées sont autant d’intermèdes qui assurent la liaison et la respiration entre les moments. Dernière image : Yentl part achever sa quête de liberté en embarquant vers les Etats-Unis. Pour embrasser les idéaux du Nouveau Monde en 1904 ? Pour oser être et devenir une femme, et une femme cultivée ? Peut-être.

Sœur Hélène Feisthammel