Espagne : Une japonaise à tetuan... Mai 2015

Publié le : 12 juin 2015

Resserrant les liens, pariant sur l’internationalité : que fait une Japonaise à Tetuán ?
Madrid, mars 2015

“Comment vas-tu ? » et « Je suis contente » ont été les deux phrases les plus répétées dans la communauté de Tetuán au long du mois de février. « Je suis contente » est une expression que nous avons apprise à Marie Albert le premier jour de son séjour à Madrid et dont elle s’est servie chaque jour – ou presque – pour nous communiquer comment elle se sentait.

Il faut dire qu’il n’y avait pas beaucoup plus d’alternatives, puisqu’elle est arrivée en sachant seulement quelques mots de notre langue. Cela a fait que tout de suite, dès la première après-midi d’accueil, en prenant le thé et en goûtant diverses saveurs japonaises des multiples delicatessen qu’elle nous avait apportées, nous avons vu qu’il fallait opter pour l’anglais. Celui-ci a donc été la langue de communication la plus utilisée pendant nos déjeuners et dîners du mois. Vous ne pouvez pas imaginer ce que nous avons pratiqué, ce que nous avons traduit, pour inclure Marie Albert à la conversation ou pour que Isabel et Piedad puissent la suivre, et aussi comme nous avons ri, parce que cette visite a été vraiment joyeuse.
Sa présence a été toute une mission communautaire que nous programmions chaque lundi à la réunion, pour ébaucher une proposition de programme pour sa semaine. Vous pouvez imaginer que nous avons essayé d’y mettre créativité, sagesse (nous avions toutes évidemment, les occupations de notre vie quotidienne), et de nous adapter à ce dont pourrait avoir besoin Marie Albert et qu’elle pourrait apprécier. Pour cela elle est allée plusieurs fois à l’école (d’enfants de un à-trois ans) et à l’Université de Comillas, ainsi qu’à « Puente de Esperanza » et « Más que Silencio ». Elle a passé également une après-midi avec Teresa au foyer de mineurs sous tutelle de l État où celle-ci travaille. Elle a été enchantée d’y pouvoir partager en anglais avec les enfants et les bénévoles. De cette façon, nous croyons qu’elle a pu capter, en partageant notre rythme quotidien et en visualisant un peu nos missions, comment est notre vie communautaire dominicaine, ce qui était le principal objectif de son voyage de formation comme junioriste. Dans ses propres paroles : « capter la nature de la vie religieuse dominicaine, au-delà des diverses manières de la concrétiser. » De même, elle nous a transmis que cela lui a permis de se rendre compte de nos horaires et du fait que « les Espagnols, nous travaillons dur » (sic), sans que cela nous empêche de jouir de la vie.

D’un autre côté, nous avons essayé de lui faire visiter diverses églises et paroisses, parce que nous sentions que c’était important pour elle de voir comment elles s’organisent dans un pays de racines chrétiennes. Outre les églises proches de la maison, (paroisse, S Eduardo, Salésiens), nous avons visité avec elle celle des Jésuites de Ventilla et les Jerónimos ainsi que la cathédrale de La Almudena, évidemment. Elle a passé toute une après midi de dimanche avec Isabel et Piedad, c’est-à-dire, sans parler anglais, mais en utilisant sans cesse le langage international des gestes. Elles avaient une « antisèche » pour lui demander de temps en temps si elle était fatiguée et voulait rentrer à la maison. Mais elle ne se lassait pas d’admirer la cathédrale et de se promener dans le vieux quartier de Madrid jusqu’au kilomètre zéro.
Tout a culminé avec le traditionnel sandwich aux calamars sur la Plaza Mayor (la Grand Place). Un autre jour, elle a eu l’occasion de déguster un vrai chocolat et des churros dans le centre ville en compagnie de Carmina Pardo, avec qui elle a participé à l’Eucharistie et aux Laudes avec nos frères dominicains de la Basilique d’Atocha.
Le musée du Prado à son tour a été une visite incontournable qui l’a captivé en raison des nombreux sujets religieux. Jusqu’au point d’avoir l’idée d’y passer le mercredi des cendres pour méditer sur la Passion de Jésus à travers les tableaux de nos grands maîtres. A défaut, elle a passé toute une matinée sabbatique (c’est-à-dire du samedi) avec Lola dans une belle exposition, actuellement à Colón, sur l’histoire du salut. Elle s’appelle : « A son image ».
Revenant à la vie quotidienne, au cours des repas, nous avons pu découvrir certains plats japonais « faits maison » superbes, dans lesquels nous avons pu apprécier l’importance et le très bon goût de la sauce de soja. Elle aussi, bien sûr, a pu découvrir quantité de plats – tous espagnols – dont vous pouvez imaginer qu’elle les trouvait toujours « délicieux » (sic), autre parole espagnole qu’elle n’aura pas pu utiliser davantage pendant son séjour… Ainsi, par exemple, elle a mangé « un poisson délicieux » à La Elipa, qu’elle nous a décrit en détail à son retour.

Et, évidemment, nous avons aussi partagé un déjeuner dominical dans la communauté de la Elipa, y compris avec interprète, au cas où (Lola). Marie Albert nous a dit qu’elle y a beaucoup apprécié le dialogue et la rencontre avec plus de sœurs. Cette affaire du dialogue, de nos conversations et échanges animés et constants, a semble-t-il été quelque chose qui a beaucoup attiré son attention. Ses échos nous ont ainsi fait prendre conscience de quelques unes de nos coutumes et manières de faire, qui sont évidentes pour nous, mais ne doivent pas l’être dans tous les contextes.
Il faut dire que notre junioriste japonaise était très expressive, ce qui a considérablement facilité la communication, par-delà les difficultés linguistiques. Outre ses réactions par rapport à notre réalité, elle nous a raconté des aspects de son contexte japonais, ce qui, à nous aussi, a ouvert de nouveaux horizons. Nous n’avions jamais tant parlé du Japon, de ses coutumes, de son histoire, et même de sa géographie, des modes de relation, de son origine, de l’histoire de la province du Japon…

A travers ce qu’elle nous a raconté de sa famille, de son histoire, nous avons pu capter - quelque chose – des antécédents mongols de cette nation, de la présence des sœurs et de leur manière d’accompagner des personnes qui veulent se convertir au christianisme, de leurs modes d’expression et de leur vie quotidienne.

Ce mois de février 2015 a donc été tout un pari communautaire pour vivre l’internationalité dans le concret ; un effort fraternel et missionnaire qui nous a enrichies et nourries nous aussi dans notre vie religieuse dominicaine et nous a permis d’en approfondir la « nature », comme disait Marie Albert. De telle sorte que, de même qu’elle nous remerciait, le dernier soir dans une lettre émouvante, non seulement par son contenu mais du fait de l’avoir rédigée en espagnol, nous aussi nous pouvons dire, de cœur à cœur, et sans tenir compte de la distance géographique : « Merci Marie Albert. »

De Madrid, pour la province d’Espagne et au nom de la communauté de Tetuán, (Piedad, Isabel, Lola, Silvia, Támara)

Támara Murillo