France : Le confinement à Trévoux

Published : 7 May 2020

Comme tout le monde, à partir du 19 mars, nous nous sommes soumises aux « gestes barrières » et aux consignes de « sécurité sanitaire » pour nous protéger ; nous avons évité d’introduire dans la maison des gens de l’extérieur, en dehors du personnel habituel qui a pris toutes les précautions imposées...

...nous avons même demandé aux 4 prêtres qui viennent une fois par semaine célébrer l’eucharistie de surseoir à leur service habituel, ajustant notre horaire pour suivre la messe sur KTO.
Mais le lundi 30 mars 2020 : coup de théâtre ! La prieure convoque la communauté pour nous informer d’une réunion en fin de matinée ; et c’est l’annonce du confinement total, chacune dans sa chambre.
Vite ! prenez en bibliothèque les livres qui vous seront nécessaires, montez vos bréviaires dans vos chambres ! Dès midi les repas seront servis à chacune sur un plateau individuel. Quel travail supplémentaire pour nos employées, peu nombreuses, et d’autant moins qu’il en manque une ! la veille au soir, elle nous servait encore, mais elle a montré dans la nuit des symptômes inquiétants, d’où ce confinement total demandé par le médecin de l’hôpital. Heureusement, Sr Agnès Madeleine et Sr Marie Bernade, masquées, ont renforcé le personnel « sur les dents » (même l’ascenseur y est allé de sa panne, au début, alourdissant le travail de distribution !). Ouf ! tout cela est derrière nous maintenant, comme une autre sœur le raconte ci-après.
Repas individuels, mais aussi prière individuelle facilitée et unifiée par les petits messages écrits quotidiens d’Agnès Madeleine : chacune recevait le sien avec son plateau du petit déjeuner ! Les offices étaient sonnés pour que l’on prie « ensemble » Laudes et Vêpres. Mais plus de messe devant la TV avec KTO, car il n’y a qu’un seul poste, en bas. Seules quelques rares privilégiées pouvaient la regarder sur leur ordinateur. Mais notre prière et notre union ont été aussi facilitées par les beaux textes reçus (et photocopiés pour chacune) : de notre Provinciale, Sr Marie Laure, du Frère Eric de Clermont Tonnerre, de Mgr Patrick Chauvet, etc…Nous ne sommes pas mortes de faim, à aucun niveau…
J’allais oublier de mentionner notre privilège de sœurs vivant à la campagne : il y a un si beau parc à Trévoux, si fleuri en ce moment, et il fait si beau et si doux ces temps-ci ! Là encore, une organisation a permis, pour un maximum de sœurs, un roulement des promenades (une demi-heure chacune, à condition de veiller à ne pas se croiser de près, de sortir par une seule porte, laissée ouverte pour éviter la contamination par les poignées, etc.). Et tout s’est bien passé !
Grâce au téléphone et à internet, nous avons entretenu la communication avec nos trois sœurs qui ne vivent pas sur place, et aussi avec beaucoup d’entre vous.
Sr Agnès Marie

Pâques 2020
Confinées dans ma chambre, comment fêter Jésus Ressuscité ?
Pas d’Exultet aux Laudes avec la Communauté ! Pas de déjeuner « extra » en commun ! seulement, pour quelques-unes, possibilité de suivre le samedi à 20 h la Vigile pascale sur RCF ou à KTO. Le jour de Pâques aucune fête si ce n’est dans le cœur de chacune… Partie remise au mardi de Pâques où nous sortons du confinement en chambre. Quelle joie de se retrouver à la chapelle où nous sommes espacées, laissant une place vide entre deux sœurs. De même, à la salle à manger, nous ne sommes que 3 à chaque table où nous retrouvions d’habitude à 5. Il paraît que le confinement a permis à nos cerveaux de s’aérer et de se reposer au point qu’à la reprise des jeux, j’ai eu la chance, au cours de la 1ère partie de scrabble de marquer en une fois 158 points avec le mot « décèlent », placé en bas à droite sur 2 carrés rouges (mot triple deux fois), et en mettant toutes mes lettres (avec un « e » déjà placé sur la ligne), soit 12 fois 9 plus 50 de scrabble ! Essayez d’en faire autant, même si ce n’est pas le dimanche de Pâques 2020 confiné ou déconfiné…
Sr Thérèse Noché

Enfin la fête !... Nous sommes réunies dans le hall pour l’apéritif de rigueur, ce mardi de Pâques, 14 avril 2020.
Mais ???... C’est d’abord le silence ! Oui, un silence qui plane…. Effet inattendu du confinement ?
Oh, ce ne fut pas long ; avec l’apéritif, l’euphorie commence. Elle gagne en intensité avec l’installation à la salle à manger (respectons bien le mètre de « distance sociale »), mais surtout avec le bon menu où chacune se sert elle-même, selon ses désirs. Et c’est l’apothéose quand arrive le gros gâteau au chocolat, encore plus haut que d’habitude, semble-t-il : n’est-ce pas en ce jour l’anniversaire de Sr Marie Jeanne ? 92 ans ! Selon la coutume à Trévoux, le personnel de service est là pour la fêter avec nous : c’est le moment de souffler les bougies alors que les mains expertes de Sr Marie Pascale fixent l’événement sur la pellicule ! Et voilà, c’est fini !
Non, pas du tout ; quelque chose se passe. C’est Sr Yann Marie qui se lève doucement avec l’aide de sa voisine, qui sort lentement un papier de sa poche et qui, dans le silence qui se remet à planer, déclame les quelques vers suivants :
« Avec une inlassable patience
Et surtout beaucoup d’amour,
Par sa douce présence,
Agnès Madeleine nous a soutenues toutes toujours.
Au nom des Sœurs ici présentes
Et de toute l’équipe soignante,
Nous la remercions de tout cœur
».
Sr Agnès Madeleine renvoie la balle à l’équipe soignante qui, dit-elle, n’a pas hésité devant les heures supplémentaires. Une sœur s’écrie alors : « Un ban ! ». Et celui-ci s’élance, joyeux et sonore, dans une fraternelle euphorie qui n’a plus rien de silencieux !
« Le Christ est Ressuscité, Alléluia ! Et nous sommes « déconfinées », Alléluia ! »
Sr Thérèse d’Halluin

Côté jardin… Confinées à Trévoux ? Oui, mais privilégiées !
La demi-heure allouée pour chacune dans le parc s’est vite prolongée pour certaines… avec l’accord de la prieure ! Occasion d’admirer la nature, d’observer l’éclosion successive des diverses fleurs qui parsèment le parc, le vert tendre des feuilles d’arbres qui se déploient et changent de teinte de jour en jour. Quel bonheur de se dérouiller les gambettes, puis d’attendre patiemment le retour d’un superbe papillon heureux de batifoler dans les herbes hautes, et enfin de le voir se poser tout près sur une fleur et de le « mettre en boîte » dans l’appareil ! Je pourrai ainsi le montrer à celles qui ne peuvent pas sortir ou pas très loin… Pour elles aussi, joie de faire des bouquets de fleurs sauvages pour apporter un peu de printemps dans leur chambre.
Marie Bernade et moi avons eu du travail avec le « dépuceronnage » des rosiers. Ces petites bêtes se reproduisent à une vitesse incroyable. Pas de produit en vente, occasion d’être écolo… Les recettes de grand-mères s’avérant peu efficaces, nous avons suivi le conseil d’une jardinière diplômée : les écraser manuellement ! Matin et soir, sus à l’ennemi, à mains nues ! Pouah, mains gluantes et jaunâtres… Mais on s’habitue… Ecole de persévérance ! Que ne ferait-on pas pour sauver une rose ?
Durant le confinement nous n’accueillons personne, mais un être a eu droit de cité, aperçu par Agnès Madeleine un matin à l’aurore : notre chevreuil, revenu, sans masque et sans permission, dans sa résidence secondaire, attiré sans doute par le calme environnant et les herbes folles de toutes espèces qui se balancent au gré du vent dans la prairie. Imaginant sa soif, je lui porte une cuvette assez loin de la maison sous un arbre et y verse 5 litres d’eau ! Le lendemain, plus une goutte ! Et chaque jour de même ! A croire qu’il n’est pas tout seul ! Agnès m’a proposé de dormir dans l’arbre pour voir, mais je n’ai pas eu le courage…
Sr Marie Pascale