France : « l’acte d’enseigner est plus précieux que le martyre » St Thomas d’Aquin

Published : 25 January 2017

Intervention de Sr Caroline Runacher à l’occasion de l’inauguration et bénédiction de la maternelle de l’Institution Jeanne d’Arc à Calais, 5 novembre 2016.

Madame, Monsieur,
Père, Sœurs,
Chers parents,
Chers amis,

En 2013, nous étions ici même pour célébrer le 125 anniversaire de la fondation du Pensionnat Jeanne d’Arc par nos sœurs dominicaines et aussi le lancement des travaux… qui ont commencé par de la démolition. Trois ans plus tard, aujourd’hui, nous avons le plaisir de nous retrouver à Jeanne d’Arc pour l’inauguration et la bénédiction de la maternelle nouvelle.
Et je veux le dire dès à présent, avec force et amitié : Merci.

Merci à vous,
Madame Laurence Herlem, chef d’établissement de l’école
et à vous, Madame Charlotte Cazin, chef d’établissement coordinatrice de Jeanne d’Arc.
Merci à vous tous,
-  Membres de l’équipe de direction et membres du personnel OGEC
-  Sœurs dominicaines responsables de la Province
-  Enseignants, éducateurs, et tous les membres de la communauté éducative
-  Membres du conseil d’administration de l’OGEC et de l’APPEL
-  Et vous, chers parents qui nous faites l’amitié et l’honneur de nous confier vos enfants sans lesquels tout notre travail serait vain.
Merci à vous qui avez travaillé et/ou contribué, d’une manière ou d’une autre – ne serait-ce que par votre patience durant les travaux -, à la réalisation de cette Maternelle Nouvelle.

Merci aussi pour votre audace, sans laquelle rien n’aurait vu le jour. Et de l’audace, il en fallait si l’on considère :
-  L’ambiance économique générale morose
-  La rapidité avec laquelle il avait fallu se décider à acheter
-  Les problèmes à surmonter pour arriver à concevoir, convaincre et construire l’ensemble.
Mais aussi, et peut-être surtout, fallait-il de l’audace pour construire sans viser d’abord à augmenter notablement les effectifs. En effet, la nouvelle Maternelle a été conçue pour permettre dans tout l’établissement,
de meilleures conditions d’accueil, de vie et de travail
et favoriser l’accompagnement intégral de l’élève, de chaque élève,
par des équipes d’adultes qui fournissent tout au long de l’année et tout au long des années, un travail remarquable et dont on peut être fier. Qu’ils en soient remerciés.
Recevoir sans élitisme d’aucune sorte, et accompagner chaque élève, accompagner chaque jeune pour lui permettre de donner le meilleur de lui-même et d’atteindre son maximum, voilà notre manière à Jeanne d’Arc, d’accueillir tout le monde.

Dans cette perspective, la réalisation de la Maternelle nouvelle est le signe de notre confiance en l’avenir, le signe d’un enthousiasme certain pour la vie et d’une audace sans témérité au service de la mission auprès des jeunes.

Si c’est au 13e siècle que Saint Dominique a fondé l’Ordre dominicain, il faut attendre 1888 pour que les Dominicaines ouvrent à Calais le Pensionnat Jeanne d’Arc. Et depuis, à travers et par-delà les années écoulées, on manifeste à Jeanne d’Arc la vivacité de la fidélité à l’esprit dominicain et à la mission reçus et partagés avec les Sœurs dominicaines.

Saint Dominique, sainte Catherine de Sienne, saint Thomas d’Aquin mais aussi la modeste Sainte Rose de Lima, indienne métisse, qui rappelle que l’exclusion ne se justifie jamais.
L’esprit et la mission vécus avec vous, la pédagogie mise en œuvre avec vous à Jeanne d’Arc s’enracinent dans l’exemple de ces grandes figures qui nous interpellent :
-  Saint Dominique (1170-1221), en 1215, a fondé l’Ordre des Prêcheurs pour le salut des âmes.
A sa suite :
> Avoir toujours le souci et la passion de l’Autre
> Prêcher, en paroles et en actes, et proposer l’Evangile du Christ comme un chemin de bonheur toujours possible, toujours offert.
Et notre école Jeanne d’Arc veut être un lieu d’Eglise, un lieu de vie spirituelle.

-  Avec saint Thomas d’Aquin (1224-1274), dominicain, docteur de l’Eglise, grand savant et théologien :
> Avoir le souci de former les intelligences, donner le goût du travail, de l’étude et de la recherche de la Vérité.
> Etre attentif à éduquer toute la personne, éduquer le cœur et les sens autant que l’intelligence.
Et notre école Jeanne d’Arc est un lieu d’étude.

-  Avec Sainte Catherine de Sienne (1347-1380), laïque dominicaine, patronne des laïcs dominicains et des sœurs dominicaines, docteur de l’Eglise, une grande mystique ayant aussi une réelle action sociale et une implication dans la politique de son temps,
avec elle :
> apprendre à vivre la diversité, comme en famille, et privilégier le dialogue entre nous et avec le monde, avec notre temps ;
> apprendre à allier vie spirituelle et vie au cœur du monde,
> et donner le goût de s’engager et de se mettre au service de la cité, au service de nos contemporains,
> en un mot : oser lancer les jeunes dans la vie.
Et notre école Jeanne d’Arc veut être un lieu de vie.

C’est ainsi que de 1215 à 2016, c’est le même esprit et la même vocation. C’est ainsi que, des sœurs dominicaines fondatrices de Jeanne d’Arc en 1888 jusqu’à la communauté éducative que nous formons aujourd’hui, nous partageons cette mission qui est plus qu’un travail et qu’une sœur, en 1937 déjà, a osé appeler le ministère d’enseignement ;
une mission qui est plus qu’un travail et dont saint Thomas d’Aquin affirmait :
« l’acte d’enseigner est plus précieux que le martyre ».

Et il y a l’esprit dans lequel enfants et adultes vivent à l’école dominicaine. Je voudrais évoquer quelques aspects pédagogiques importants pour nous :
• Que chacun, jeune ou adulte, puisse vivre et grandir grandir humainement, intellectuellement et spirituellement dans un climat de Vérité, de miséricorde et de liberté, se sachant considéré avec bienveillance, se sachant aimé et aimable tel qu’il est.
• L’exercice de l’autorité autant que la discipline voudraient être marqués par cette miséricorde et cette bienveillance qui excluent le laxisme autant que l’intransigeance.
• Cette bienveillance est aussi accueil de la diversité. Cette bienveillance lucide est respect de l’altérité et bannissement de la crainte, accueil de l’autre.
• Que la confiance marque les relations entre jeunes, entre adultes, entre jeunes et adultes ; et qu’ainsi l’accompagnement, par le soutien des plus fragiles tout autant que l’émulation des plus performants, permette à chacun d’atteindre son maximum.
• Comme dans un couvent dominicain, la gouvernance de l’établissement est collégiale ; on s’efforce de partager les responsabilités et de faire largement participer à l’élaboration des décisions. Cette attitude doit résonner comme un exemple pour les jeunes et leur donner le désir et le goût de s’impliquer dans la vie, de s’engager dans la construction du monde.
• Notre éducation fera une large place au dialogue et notre enseignement, notre éducation doivent être ouverts, ouverts sur le monde et en dialogue avec lui. Nous sommes invités à l’amour de notre temps, ce que le Frère Henri-Dominique Lacordaire exprimait en ces termes au 19e siècle : Dieu m’a fait la grâce d’entendre ce siècle que j’ai tant aimé.

Là nous touchons encore à un point essentiel de notre spiritualité et de notre pédagogie :
Une école dominicaine, comme l’est Jeanne d’Arc, est toujours tout à la foi accueillante et ouverte sur le monde.
Notre école ne veut pas vivre repliée sur elle-même, mais vivre en amitié avec notre temps et être aussi au service de la société où nous nous trouvons. Nous souhaitons éduquer les jeunes qui nous sont confiés à un regard positif et constructif sur notre monde. Les éduquer au partage et leur donner le goût et le désir de s’engager et de se mettre au service de la cité.
C’est dans cet esprit que nous vous avons demandé à vous, Madame Bouchart, maire de notre ville de Calais, de couper le ruban et d’inaugurer la Maternelle Nouvelle.

Car la tradition n’est pas immobilisme, et la fidélité n’est ni répétition ni restauration du passé. Au contraire, et comme nous l’expérimentons à Jeanne d’Arc, et tout particulièrement aujourd’hui,
la fidélité est créatrice,
source de dynamisme et de vie, ouverture, gage et promesse d’avenir.
A vous tous qui œuvrez à Jeanne d’Arc, merci de participer au « ministère d’enseignement » dans la perspective de notre tradition dominicaine où l’enseignement se veut aussi éducation :
> Éducation de l’intelligence par le vrai,
> Éducation du cœur par le bien,
> Éducation des sens par le beau.

Merci de partager le charisme et la mission des sœurs dominicaines,
Charisme et mission partagés
au service des jeunes
Joie du charisme et de la mission partagée
au service de l’unique Évangile du Christ.