Le «Libellus» sur le commencement de l’Ordre des Prêcheurs

Le plus ancien témoignage sur saint Dominique nous vient de Jourdain de Saxe, qui lui succéda à la tête de l’Ordre de 1221 à 1237 (année de sa mort).

Son œuvre s’intitule « Petit livre sur le commencement de l’Ordre des Prêcheurs » ; en latin Libellus de principiis Ordinis Prædicatorum, ou tout simplement Libellus . Il n’est pas certain que Jourdain lui ait donné un titre. Il aurait été rédigé entre le début de 1233 et juillet 1234, probablement à Bologne, ou Milan.

Le contenu de cet ouvrage semble osciller entre deux genres : la vie de Dominique de Guzmán et l’histoire de l’Ordre fondé par lui. Jourdain raconte lui-même, dans le prologue, pourquoi il a écrit ce Libellus :

« Il m’a paru bon de mettre par écrit tous les événements de l’Ordre : ce que j’ai personnellement vu et entendu ou connu par la relation des frères primitifs sur les débuts de l’Ordre, sur la vie et les miracles de notre bienheureux Père Dominique, enfin sur quelques autres frères aussi, selon que l’occasion s’en présentait à ma mémoire. Ainsi nos fils qui vont naître et grandir (Ps 78,6) n’ignoreront pas les commencements de l’Ordre et ne resteront pas sur leur désir inassouvi, lorsque le temps aura si bien coulé qu’on ne trouvera plus personne qui soit capable de rien raconter d’assuré au sujet de ces origines » (Libellus, 3).

Le Libellus traite donc avant tout du début de l’Ordre. Ce n’est pas d’abord une biographie de Dominique, ni non plus une hagiographie traditionnelle. Voilà qui explique que Dominique, surtout dans les premières pages, joue un rôle secondaire par rapport à l’évêque Diègue d’Osma ; et que plus tard encore il soit représenté de manière nettement moins vivante que certains des premiers frères (Réginald d’Orléans et Henri de Cologne). Les traits hagiographiques encore présents dans le Libellus peuvent s’expliquer par les besoins qu’ils sont censés couvrir : que le livre ait été révisé dans la perspective de la canonisation imminente de Dominique rend sans doute inévitable qu’il porte la marque du genre littéraire.

Cependant, il faut remarquer que l’écrit de Jourdain sur l’origine de l’Ordre est d’une belle sobriété. Si Jourdain semble minimiser le rôle de Dominique, il n’y a de sa part aucune attitude négative à l’égard de l’incontestable fondateur de l’Ordre, au contraire. Ce qu’il veut montrer, c’est qu’à la différence de son contemporain François d’Assise, Dominique s’engagea si intensément dans son œuvre que c’est à peine s’il peut s’en distinguer. Plus que le fondateur de l’Ordre, il en apparait comme le premier membre.

en savoir plus :
Bjorn HALVORSEN, Saint Dominique. Du cœur aux frontières de l’Eglise, Paris, Editions du Cerf 2011, p. 15-22.