« Pupille » par Jeanne Herry

Publié le : 2 janvier 2019

Sortie en salles / 5 décembre 2018

« Pupille », comme l’enfant né sous X confié aux services de l’état. « Pupille », comme ce trou noir de l’œil, élément central de la vision. Jeanne Herry n’aurait pu rêver meilleur titre pour son deuxième long-métrage (après « Elle l’adore »). Au cœur de son histoire, elle place Théo, de sa naissance à sa rencontre (3 mois) avec sa mère adoptive, Alice, 41 ans.

Une femme accouche d’un enfant dont elle ne veut pas, une autre en espère un qu’elle ne peut avoir. La grande réussite de « Pupille » est de s’en tenir à cette équation simple pour dévoiler la mécanique administrative de l’adoption, et son humanité. Jeanne Herry s’attache à montrer les vies et les profils des différentes personnes intervenant dans le processus de l’adoption.

L’une des forces du film est sa recherche de réalité, conduite par le travail de documentation, mais aussi par la présence de véritables nourrissons à l’écran. Pour pallier les interdictions françaises de filmer des bébés de moins de trois mois, l’équipe est partie tourner en Belgique où les normes sont moins contraignantes. Les informations documentaires et le côté pédago-gique du film sont « digérés » par la mise en scène et la performance des acteurs qui sont dans une vraie recherche d’émotion.

Dans un incessant et limpide va-et-vient, sans jamais nous faire perdre de vue le petit Théo, la réalisatrice superpose, mêle et croise avec délicatesse la vie de tous ces personnages. Sa caméra s’accroche à des détails du corps, des mains, un profil. Le spectateur s’attache aux maillons essentiels de la chaîne de bienveillance et d’empathie qui s’organise autour de Théo.

Particulièrement à Jean, assistant familial auquel Gilles Lellouche prête sa virilité rassurante en même temps qu’une sensibilité avivée par la lassitude. Et puis à Karine, qui lui confie Théo, à qui Sandrine Kiberlain apporte sa fantaisie et ses fêlures. Enfin à Alice, l’adoptante, incarnée par une Elodie Bouchez frémissante, riche de toutes les émotions, du désespoir à l’éblouis-sement du bonheur.

Sa dernière scène avec Théo est à vous faire verser des larmes jusqu’à la fin du générique. Entre-temps, vous aurez eu l’impression de rencontrer ce bébé. Un beau pari, rarement tenté au cinéma. A voir absolument !

Sœur Hélène Feisthammel