Retourner à Sölöz de Serge Avédikian (novembre 2021)

Publié le : 28 décembre 2021

Chronique cinéma de soeur Hélène Feisthammel

Dans Retourner à Sölöz, Serge Avédikian se rend dans le village où vivait son grand-père.

Serge Avédikian a ses origines familiales dans un village d’Anatolie, Sölöz, à plus de 150 kilomètres au sud d’Istanbul. Il y retourne quand ses activités de comédien et de réalisateur le lui permettent, et surtout quand il ne se refuse pas à se rendre en Turquie.

Ce n’est pas la découverte du village où vivait son grand-père, qui en a été chassé, comme tous ses habitants arméniens lors du génocide, que raconte ce documentaire, tourné fin 2019, mais des retrouvailles. Serge Avédikian s’est en effet déjà rendu à quelques reprises à Sölöz, en 1987, 2003 et 2005, nouant chaque fois des relations. En 2019, certains sont morts, comme le rebouteux Sevket Basol, qui a été le premier à l’accueillir et à lui montrer des pierres tombales arméniennes délaissées, tandis que les enfants sont devenus adultes. Tous sont issus des populations baltes musulmanes que l’on a envoyées ici, au début des années 1920, pour contribuer à édifier la nouvelle Turquie.

Serge Avédikian entrelace ses images de 2019 à celles qu’il a prises lors de ses séjours précédents. Ainsi, Retourner à Sölöz ressemble à un film palimpseste en accord parfait avec son sujet. Car ce qu’il recherche, ce sont des traces : celles des existences arméniennes passées, toujours plus effacées à mesure que le temps avance. Serge Avédikian, qui se met en scène dans ses discussions avec les habitants, n’a pas de démarche agressive, ni même revendicative. Il écoute ce que ces citoyens d’un État négationniste ont à lui dire de ce qu’ils savent de l’histoire du lieu (très rares sont ceux qui la connaissent), et de l’avenir dans lequel ils se projettent. Son film lui-même devenant dès lors le témoignage précieux d’une mémoire à la fois enfouie et persistante.