Suède : 1517 – 2017 Commémoration de la Réformation

Publicado el : 24 de noviembre de 2016

Pourquoi ne pas dire jubilé de 500 ans de la Réformation ou célébration de 500 ans de la Réformation ? On ne jubile ni ne célèbre pas une division ecclésiale... Et pourtant, il faut rappeler que les réformes voulus de Martin Luther étaient très nécessaires à l’époque et d’une certaine manière bien préparées. Que Martin Luther a été excommunié était plutôt un accident dû à un entêtement inutile du pape à l’époque. Martin Luther a voulu mettre en place une disputation traditionnelle pour vérifier ses thèses mais cela ne lui était pas accordé. Qu’il y avait une insurrection générale dans l’église contre le trafic d’indulgence à l’époque constitue une des raisons pour laquelle la rupture totale a eu lieu mais il y en avait bien d’autres.

Les églises luthériennes qui sont sorties de la Réformation se sont trouvées surtout au nord de l’Europe. Au fur et à mesure, avec la mission elle se sont multipliées en Amérique du nord, en Afrique et en Asie. En 1947, la Fédération Mondiale des églises luthériennes a été fondée à Lund, au sud de la Suède. L’église luthérienne suédoise est le plus grand membre dans cette fédération. Voilà la raison pour laquelle l’inauguration de la commémoration de la Réformation a eu lieu à Lund, donc 70 ans après la fondation de la fédération luthérienne.

Au début de l’année, le Pape François a annoncé qu’il allait venir en Suède pour cette inauguration de la commémoration de la Réformation. Quelle surprise et quelle joie, aussi bien pour les luthériens que pour les catholiques en Suède ! C’était le président de la Fédération Mondiale des églises luthériennes, l’évêque Munib Younan (d’origine palestinienne), et le Pape, qui formellement ont fait l’invitation à cette commémoration – quelque chose qui au début a créé un peu de consternation en Suède ! Les hôtes étaient l’archevêque de l’église luthérienne suédoise, Antje Jackelén, et l’évêque Anders Arborelius, du diocèse catholique de Stockholm (le diocèse couvre le pays entier). Les organisateurs était le Conseil Pontifical pour la Promotion de l’Unité Chrétienne et le secrétariat général de la Fédération Mondiale des églises luthériennes à Genève avec le secrétariat de l’église luthérienne suédoise comme réalisateur local en coopération avec le diocèse catholique de Stockholm (qui n’a pas de ressource pour faire ce genre d’événement). Inutile de dire que tout cela a crée un peu de chaos dans la planification qui devait être faite en très peu de temps. Assez vite, la police de sécurité suédoise s’est aussi mêlée dans l’organisation pour ne pas dire de la télévision suédoise !

Le Pape avait très tôt déclaré qu’il envisageait une visite à Lund un peu dans le même style qu’il avait fait au Conseil d’Europe à Strasbourg. Donc, il n’y avait pas question de messe catholique mais uniquement d’un service œcuménique festif dans la cathédrale de Lund – une des plus belles cathédrales romanes du monde, datant du XIIème siècle. Seulement, elle ne pouvait comprendre plus de 350 personnes + chorales... Alors, très vite le comité de préparation a commencé à envisager un événement œcuménique populaire dans une des arènes à Malmoe, la grande ville juste à côté de Lund, qui peut prendre 10.000 personnes.

Certains catholiques suédois ont commencé à réclamer une messe pontificale vers le mois de mai/juin. Le Pape y a finalement cédé tout en sachant que cela a créé une discorde œcuménique. Par conséquent, la visite a duré une journée et demi car il ne fallait pas mettre la messe sur la même journée que la commémoration.

Moi-même, j’ai eu la grande joie d’être invitée au service œcuménique dans la cathédrale de Lund qui était la réunion principale. C’était la prière la plus belle à laquelle je n’aie jamais assistée. Le thème était « Du conflit à la communion – ensemble dans l’espoir » et c’était vraiment une communion solennelle et joyeuse pleine de symboles importants. L’archevêque luthérienne, Antje Jackelén, a accueilli le pape dans l’entrée de la cathédrale en l’embrassant fortement. Ensuite, le Pape, le Président de la Fédération Mondiales des églises luthériennes, l’évêque Munbi Younan, et le secrétaire général de la même fédération, Martin Junge, ont procédé au même niveau dans la cathédrale lorsque tout le monde a chanté « Laudate Dominum » sur la mélodie de Taizé. Les chants et les prières ont reflété l’interculturalité en Suède tout au long du service. L’acte de pénitence était particulièrement beau avec un Kyrie chanté en syriaque. Les deux homélies, du Pape et de Martin Junge, étaient présentées en espagnol, car Martin Junge est né au Chili !

Le centre du service était la lecture des cinq impératifs œcuméniques du document commun entre les luthériens et les catholiques « Du conflit à la communion » où j’ai eu l’honneur d’en lire le troisième. Les impératifs sont les suivants :

• Premier impératif : catholiques et luthériens devraient toujours se placer dans la perspective de l’unité, et non du point de vue de la division, afin de renforcer ce qui est commun, même si les différences sont plus faciles à voir et à ressentir.
• Deuxième impératif : luthériens et catholiques doivent continuellement se laisser transformer par la rencontre de l’autre, et par un témoignage de foi des uns à l’égard des autres.
• Troisième impératif : catholiques et luthériens devraient s’engager à nouveau à chercher l’unité visible, à en étudier ensemble les étapes concrètes, et à tendre sans se lasser vers ce but.
• Quatrième impératif : luthériens et catholiques devraient ensemble redécouvrir la puissance de l’Évangile de Jésus-Christ pour notre époque.
• Cinquième impératif : catholiques et luthériens devraient ensemble témoigner de la grâce de Dieu en proclamant l’Évangile et en se mettant au service du monde.
Vous pouvez lire le document dans son entité à (et je vous conseille à le faire !) www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/chrstuni/lutheran-fed-docs/rc_pc_chrstuni_doc_2013_dal-conflitto-alla-comunione_fr.html
Ensuite, le Pape et l’évêque Munib Younan ont signé une déclaration commune.

Après le service dans la cathédrale nous avons été transportés à l’arène de Malmoe où 10.000 personnes étaient réunies et qui avaient suivi le service sur des écrans de téléviseurs. Ici des membres des églises luthériennes et de l’église catholique ont témoigné d’un travail de solidarité au niveau international. Caritas Internationalis et Le Service Mondial (l’équivalent luthérien) ont signé un accord d’une collaboration plus forte pour le bien des pauvres, des réfugiés et des victimes de guerre dans le monde. L’évêque catholique d’Alep était présent et a donné un témoignage très fort de la situation actuelle dans cette ville tourmentée.

Le lendemain, le Pape a donc célébré une messe au stade de Malmoe. Personnellement, je n’y ai pas participé car j’ai voulu faire de cet événement une vraie commémoration œcuménique. Par contre, les sœurs Katrin Åmell, Yva Daddyza et Basma Alkaz de chez nous y ont été présentes.

Est-ce qu’on a fait un pas en avant avec cette commémoration commune de la Réformation ? Il est évidemment un peu tôt de le dire. Mais depuis, j’ai été témoin de quelques propositions concrètes :
- d’ouvrir nos tables eucharistiques de part et d’autre aux personnes dans des mariages mixtes ;
- de continuer le dialogue international entre les luthériens et les catholiques sur la signification concrète du fait que nous reconnaissons nos baptêmes de part et d’autre ;
- de commencer un dialogue sur une nouvelle anthropologie théologique un peu dans les lignes de Laudato Si.

Au niveau local, du moins en Suède, on va parfois beaucoup plus loin dans la communion entre catholiques et luthériens. Mais il faut y ajouter que les divisions théologiques entres les deux églises ne se font plus sentir entre les dénominations elles-mêmes mais plutôt à travers chaque dénomination particulière. Personnellement, je partage parfois beaucoup plus avec un luthérien qu’avec un autre catholique.

Sr Madeleine Fredell OP