Vendredi Saint : De victimes à témoins

Méditation de Sr Anne-Claire avec Carême dans la ville

Aujourd’hui, je suis à Lourdes, devant la photo d’une sculpture représentant une tête d’enfant pleurant. L’Église de France vient de la placer là en mémoire des victimes d’abus sexuels.

Les larmes de cet enfant concentrent tant de silences, d’absences de cris. « Je suis resté tétanisé… je ne connaissais rien de tout cela et ce soir-là, il m’a appris des mots et des actes que je ne connaissais pas. » Et aussi ce témoignage : « Une partie de moi hurlait en silence, lui demandait d’arrêter, mais les mots ne sortaient pas. »* Quand on a huit ans, on n’a pas les mots pour nommer les choses et les actes posés. On reste tétanisé et on met sa vie entre parenthèses. Ce n’est que parfois plus tard, trop tard, qu’on trouve les mots pour dire qu’on a été victime.

Le psalmiste en a fait lui-même l’expérience : « Je me suis enfermé dans le silence, et plus qu’il n’était bon, je me suis tu. Ma douleur devint insupportable. »

Quand il n’est pas possible de crier, un autre peut crier pour nous. Sur la croix, Jésus prend sur lui nos vies brisées et reconnaît notre détresse. Son cri est aussi celui des sans-voix, de ceux qui n’ont pas appris, ceux qui n’ont plus la force…

Sur la croix, Jésus libère notre propre cri de souffrance et nous redonne la vie. Crier, c’est se reconnaître vivant et témoigner d’un monde souffrant pour que cesse toute violence. Alors, ne craignons pas de crier ! Pas à tout bout de champ, mais, comme l’expression sincère de nos sentiments : colère, peur, détresse, tristesse… mais aussi la joie, même en ce Vendredi saint, parce qu’au bout de notre marche vers Pâques, elle sera là.

* «De victimes à témoins», témoignages adressés à la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église, octobre 2021.
** TOB Psaume 39, 3.