Commentaires des lectures bibliques du 22 mars 2021 - Lundi de la 5ème semaine de Carême

Lectures :
• Dn 13,1-9.15-17.19-30.33-62
• Ps 22,1-3a.3b-4.5.6
• Jn 8,1-11

1- Ce jour-là, une vie innocente a été sauvée
Les lectures d’aujourd’hui nous présentent deux femmes dans une situation très difficile.
Commençons par nous approcher de la première lecture. Elle nous offre le récit de ce qui est arrivé à Suzanne, femme de Joaquín, juif très respecté du peuple.
Nous nous rendrons compte en le lisant ou en l’écoutant, que nous sommes devant l’une des lectures les plus longues proclamées dans la liturgie. Et on ne lit pas le texte du Livre de Daniel dans son entier ! Cependant il est certain qu’il va capter notre attention avec plus de force que l’immense majorité des textes que nous écoutons dans l’eucharistie.
On dirait que nous sommes devant un récit à suspense qui pourrait servir de scénario pour un film. Mais la Parole de Dieu n’est pas destinée à nous divertir, mais à nous ouvrir les yeux, l’intelligence, le cœur, pour que nous prenions en charge le message qu’elle nous offre.
L’histoire est si claire, les personnages sont si définis, qu’il est sûr que nous sommes du côté de Suzanne et « contre » les deux anciens. Elle est innocente, eux sont vils, indécents, menteurs, corrompus…
Contre toute attente, une « fin heureuse » est obtenue et nous nous en réjouissons.
Mais je me demande si nous n’avons pas à nous poser de questions et chercher une réponse qui nous permette de nous situer, comme croyants, du « côté de Dieu. »
-  Combien de ‘Suzanne’ au long de l’histoire, hier et aujourd’hui, n’ont pas été sauvées ?
-  Quelle culture avons-nous intériorisée et maintenue au long des siècles, qui permet à l’homme de disposer de la femme, de légiférer de manière discriminatoire contre elle, de l’opprimer par tout type d’abus de pouvoir… tandis que nous regardons tout cela presque comme naturel ?
Les deux anciens étaient juges, arboraient l’autorité, pouvaient « disposer »de la vie des personnes, et le peuple ne semble pas mettre en doute leur décision, même s’il trouve incroyable ce qu’ils disent de Suzanne… qui ne sera sauvée de la mort selon la Loi que par une intervention extraordinaire de Dieu par l’intermédiaire de Daniel.
« Ce jour-là une vie innocente a été sauvée ». Comment collaborer à la libération de tant de femmes, peut-être proches, soumises au pouvoir injuste de l’homme ?

II- Moi non plus je ne te condamne pas
Dans l’évangile d’aujourd’hui, Jésus fait un saut périlleux par rapport au texte de la première lecture, pour nous montrer le visage du Dieu compatissant et miséricordieux
Son attitude est vraiment « impardonnable » pour les défenseurs de la Loi.
Déjà, ici il ne s’agit pas d’une femme innocente, mais d’une femme pécheresse, adultère (le silence à ce sujet à propos de l’homme qui « accompagne » chaque femme est étonnant).

Les pharisiens croient tenir une occasion de mettre Jésus dans l’embarras et n’ont pas de problème à utiliser pour cela une femme surprise en adultère.
Eux, ils argumentent de « l’extérieur », à partir de la Loi ; Jésus laisse la Loi de côté pour les ramener « à l’intérieur » et à s’affronter à eux-mêmes. Et ils doivent renoncer à jeter leurs pierres, car ils sont pécheurs, comme nous le sommes tous.
Quel moment indescriptible pour la femme qui attend la mort ! Le « moi non plus je ne te condamne pas » de Jésus la rend à une vie toute nouvelle, du fait d’avoir expérimenté la compassion et la miséricorde de Dieu dans sa fragilité et son péché.
Le texte dit clairement que Jésus n’approuve pas l’adultère (« Va et ne pèche plus ») mais montre l’amour de Dieu, qui nous permet de comprendre et d’éliminer de nos vies les comportements qui font du mal à nous-mêmes et aux autres. De fait, c’est ce que nous appelons les commandements. Même si nous sommes assez naïfs pour succomber à la tentation de penser à un Dieu qui se dédie à nous mettre des entraves, à exiger de nous des choses qui nous coûtent, mais qui au fond ne seraient pas mal. Un Dieu appliqué à nous empêcher de profiter des bonnes choses de la vie, alors que ce qu’il nous offre est la possibilité de découvrir les vraies bonnes choses de la vie !
Sr Gotzone MEZO

Image : Susanne au bain, Robusti Jacopo, dit Le Tintoret 1560