Et pendant ce temps-là à Poitiers

Publié le : 11 mai 2020

« Visite, Seigneur, cette demeure. Protège celles qui l’habitent. »

Nous sommes onze sœurs dominicaines en communauté à Poitiers. Depuis quelques années, notre communauté accueille des sœurs venues d’autres entités de notre congrégation, pour un temps de formation ou un plus long séjour : Italie, Bénin, Brésil (et Japon l’année dernière). Voici quelques échos de ce que nous vivons depuis le début du confinement.

Sr Marthe Marie (France)
Vivre en confinement, est-ce différent de l’ordinaire pour une communauté religieuse ? Oui, bien sûr, car des religieuses apostoliques bougent, se déplacent pour de multiples raisons. Et en plus du travail ou de la mission, nous avons appris successivement la suppression de toutes les rencontres de congrégation. Donc, nous sommes restées ensemble (onze sœurs) depuis le 16 mars ; et pour que les jours passent sans trop se ressembler, nous avons décidé de renforcer nos temps de préparation des liturgies domestiques : des répétitions de chants en vue du Triduum pascal, spécialement les offices des Ténèbres. Nous avons voulu privilégier la liturgie de la Parole entre nous, pour ne pas nous contenter du « prêt à prier / TV ». Ainsi, nous avons eu notre veillée pascale entre nous, suivie d’un petit réveillon festif. Au lever du jour, il nous a manqué de chanter la résurrection, à Notre Dame des Dunes… le virtuel ne remplace pas. Nous apprécions cependant la messe du dimanche, au petit écran, tout en aspirant à un retour à l’église.

Occuper le temps, c’est aussi manger, travailler, se détendre. Les courses et la préparation des repas ont été assurés par roulement. Nous n’avons manqué de rien. Un grand ménage de printemps a permis la remise en état de toute la maison. Le télétravail ou les cours ne se sont pas arrêtés. Même des examens ont eu lieu, à distance. Après le Carême, quelques films ou jeux de société ont occupé nos soirées agréablement.

En dépit du confinement, il fallait vivre dans la sérénité, connaissant l’évolution de la pandémie dans les différents pays de nos sœurs. Heureusement, le téléphone ou WhatsApp fonctionnait, et aucune mauvaise nouvelle de famille des sœurs n’est encore parvenue jusqu’à ce jour. Pour ma part, prieure d’une communauté internationale, chaque soir je fais cette prière inspirée des complies : « Visite, Seigneur, cette demeure. Protège celles qui l’habitent. Que tes saints anges la gardent dans la paix. » Et je rends grâce à Dieu pour les relations fraternelles qui se sont renforcées pendant ces mois. Qu’elles nous aident à vivre ce temps de recommencement.

Sr Enrica (Italie)
Je suis originaire de la Lombardie, la région italienne la plus frappée par la pandémie. C’est pourquoi, j’ai commencé à vivre de manière assez intense et dans une très grande inquiétude la situation quinze jours à l’avance sur ce qui arrive en France. Dans ma région le confinement a commencé début mars…. D’un côté je voyais le journaux italiens avec les images tragiques de Bergame et Milan ; de l’autre ici en France je voyais toutes les personnes qui ne semblaient pas être trop inquiètes…..Mais à partir de 17 mars, malheureusement, la situation est devenue grave en France aussi et dans plusieurs autres parties de notre monde. Il me semble encore incroyable de voir comment d’un jour à l’autre nos vies et nos habitudes ont dû changer. Nous nous sommes retrouvées, à vrai dire sans réelle préparation, face à une situation inimaginable. Au milieu de cette situation inquiétante, comme aspect vraiment positif, j’ai pu expérimenter un grand sens de proximité soit envers plusieurs personnes en Italie, soit ici en France, notamment à Poitiers. Je l’ai vécu avant tout dans la communauté et dans mon service à l’aumônerie des étudiants du centre-ville. Le virus ne connaît pas de frontières. L’amitié et la solidarité non plus !

Sr Alida Estelle (Bénin)
Notre monde est frappé par la pandémie du Covid-19 depuis quelques mois. Plusieurs mesures de sécurité sanitaire sont prises dans les pays en fonction du degré de l’épidémie qui y sévit. L’une des mesures sanitaires la plus stricte est le confinement dans les maisons. Notre communauté n’est pas restée en marge de ces mesures. Bien au contraire, ensemble nous appliquons toutes les mesures préconisées par le gouvernement. Nous sommes une communauté de sœurs de différentes nationalités et intergénération. Ensemble, dès le début, nous avons échangé sur la manière dont chacune vit la situation de la pandémie. Nous portons chaque sœur avec la situation sanitaire de son pays. En communion avec les voisins nous applaudissons les personnes en première ligne le soir à 20h. Un soir, une femme de retour de l’hôpital, qui passait au moment des applaudissements, nous a remercié pour notre geste de soutien. Cela m’a redit combien vaut un geste solidarité.

Cinq mois après mon arrivée en France, je suis invitée à vivre un évènement mondial exceptionnel. Tout me semble être joué comme sur une place de marché, où chaque étalage est un pays. Via internet et les appels téléphoniques WhatsApp, j’essaie d’avoir les nouvelles de mon pays le Bénin. La situation sanitaire n’est pas dramatique mais continue d’évoluer avec le dépistage de nouveaux cas. Je porte le souci de la situation socio-économique de mon pays. Car il y a des précarités et des maisons où la densité de personnes qui y résident est bien élevée. Toutefois, je garde l’espérance que nous parviendrons à passer ce temps, avec les grandes sensibilisations qui sont faites.

Je porte dans ma prière surtout tous les malades et les soignants.

Dans une relecture de la situation, j’apprends surtout la patience et l’humilité. J’ai vécu des jours pendant ce temps de confinement comme des jours de retraite. Méditant sur la patience, l’humilité et sur l’Homme. Seigneur, « qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui, le fils d’un homme, que tu en prennes souci ? » (Ps 8, 5). Saint Irénée disait que « la gloire de Dieu c’est l’homme debout et vivant. »

Le monde a connu de grands fléaux, mais pas une pandémie à l’échelle mondiale. Il s’en est sorti, alors je garde espoir que nous en viendrons à bout. Que ce n’est qu’un mauvais vent qui passe…

Sr Luciana (Brésil)
Dieu est présent et il agit dans notre vie ! Je marche sur ce sentier d´Espérance et de miséricorde. Notre “cloître dominicain” de Poitiers, intensifie la rencontre entre nous, sœurs de cultures différentes et communauté internationale. Je me sens encouragée et poussée pour les études, dans mon cheminement dans cet espace, dans les conversations avec mes soeurs, dans les réflexions et prières personnelles et communautaires, dans les paroles d´encouragement et l´appui fraternel que je reçois et accueille tous les jours. Être confinée, ce n´est pas s´arrêter, mais contempler, d´une autre façon, l´expérience que l´on fait de soi-même, cultiver son regard, sa manière de prendre soin de soi-même et des autres.

Ah, j´aime aussi les fleurs ! Ce détail est vraiment communautaire, admirer les roses. Je contemple le jardin de notre maison. La diversité des fleurs si belles, m´invite à m´approcher, connaître et découvrir. Je sens l´odeur, le parfum et la délicatesse de chacune. J´écoute le chant des oiseaux qui nous saluent tous les matins et je suis émerveillée par clarté du ciel et la lumière du soleil qui illumine et réchauffe nos journées. Je vois en tout cela l´expression de la tendresse et de la bonté de Dieu qui nous motive et s´intéresse à nous.

Alors, qu´est-ce qui m´identifie et me fait vivre comme sœur étrangère en période de confinement ? La réponse est vaste. C´est dans tout cela que je vis chaque jour ma vie fraternelle et ma fidélité avec le Christ. Je me sens heureuse quand nous partageons ou quand nous nous écoutons entre sœurs. Les idées se rejoignent, s´agitent, invitent au dialogue et à la tendresse. Nous prenons aussi nos responsabilités avec le monde autour de nous. Avec les nécessités qui se présentent en beaucoup d´endroits, et avec d´autres qui apparaissent en raison de la pauvreté ou de catastrophes.

Vivre le confinement dans la vie fraternelle, c´est exigeant, parce que personne n´est isolé de ce qui se passe dans la vie ; cela nous apprend à ouvrir nos frontières. Nous portons notre trésor en vase d´argile (2 Cor.4). Notre témoignage pascal est vécu dans les limites de nos différentes cultures et diversités historiques. Les grincements et les pleurs nous font réfléchir et nous aident à accueillir la venue extraordinaire de Dieu et de sa Parole qui actualise la Mission et la Prophétie. En tout ça, nous nous risquons à l´aurore d´un jour nouveau ! On marche sur les traces de Marie Madeleine et sur le chemin de Emmaüs. A l´aurore de chaque jour, nous acceptons de nous confiner dans l´Espérance ! Acceptons aussi de nous laisser façonner par les mains de notre Créateur… celui qui nous appelle et nous envoie. “Si le ciel peut être quelque part sur terre. Il doit être entre nous, où le règlement est large et la vie heureuse”, comme dit Ste Catherine de Sienne.

Source : https://www.poitiers.catholique.fr/et-pendant-ce-temps-la-dans-les-communautes/

En document joint, le texte de Sr Luciana en portugais

Document(s)

deus_est_presente_e_a_vida_age_em_nos_-_luciana_portugues_.pdf (36.2 ko)

 11 mai 2020