Italo-Suisse : réflexion sur la gratitude

Publié le : 14 juillet 2015

Ma recette pour préserver mon capital d’optimisme, c’est de me concentrer sur ce qui va bien. Chaque jour, je passe en revue toutes les choses, grandes et petites, qui ont été agréables, qui m’ont apporté du plaisir, de la joie ou simplement de l’amusement, et j’éprouve de la reconnaissance. Je cultive consciemment mon sentiment de gratitude. … Je me fais plaisir tous les jours, plusieurs fois par jour…
David Servan-Schreiber : on peut se dire au-revoir plusieurs fois p.85

Dire merci
Considérée comme une simple politesse – dire merci à un bienfaiteur est la plus élémentaire des courtoisies – ou comme un devoir moral hérité de notre culture judéo-chrétienne, la gratitude n’est pas une qualité très valorisée sous nos latitudes. Pourtant, selon les dernières études américaines en psychologie positive (In Psychology Today - mars 2006. Toutes les citations des chercheurs en sont également tirées), elle participerait activement à la bonne santé émotionnelle de ceux qui en font un usage régulier. Renforçant les liens sociaux, la gratitude affaiblit aussi les émotions négatives et procure un sentiment de bien-être durable.
Chris Peterson, professeur de psychologie à l’université du Michigan, en est l’un des grands spécialistes. Régulièrement, il demande à ses étudiants d’écrire une « lettre de gratitude » à une personne qui a compté dans leur vie. D’année en année, il fait le même constat : « Écrire ces textes procure à leurs auteurs un sentiment de bien-être durable. »
Un sentiment renforcé, ajoute Chris Peterson, si l’auteur la lit à haute voix à son destinataire. C’est alors le fameux effet « boule de neige » généré par les émotions positives : valorisé, reconnu dans sa valeur, le bénéficiaire renvoie à son tour un message gratifiant à l’auteur de la lettre. Très « américains », ces exercices « cognent » un peu avec notre mentalité, mais il est possible de s’exercer à la gratitude sans lettres ni déclarations officielles. Il suffit d’ouvrir les yeux sur son quotidien.

Les bienfaits
« Se réjouir de ce que nous considérons comme des acquis : une famille, un toit, une bonne santé, nous fait apprécier notre vie, constate Phillip Watkins, chercheur à l’université de psychologie de Washington. Cette reconnaissance consciente nous amène à apprécier ce que nous avons plutôt qu’à déplorer ce qui nous manque. »
Le chercheur a ainsi constaté que les personnes qui développent consciemment leur sentiment de gratitude étaient moins frustrées, plus ouvertes et plus optimistes que les autres. Elles ne font pas des possessions matérielles un but, ne se comparent à personne et ignorent l’envie. »
Petit Traité des grandes vertus d’André Comte-Sponville.

S’appuyant sur les grands philosophes, l’auteur se penche sur ces vertus parfois oubliées – politesse, amour, courage, tolérance… – dans un ouvrage clair et jamais moralisateur
(Seuil, ”Points”, 2001).

« La gratitude se réjouit de ce qui a lieu, ou de ce qui est, écrit André Comte-Sponville dans son Petit Traité des grandes vertus, elle est ainsi l’inverse du regret ou de la nostalgie, qui souffrent d’un passé qui ne fut pas, ou qui n’est plus, comme aussi de l’espérance ou de l’angoisse, qui désirent ou craignent […] un avenir qui n’est pas encore, qui ne sera peut-être jamais, et qui les torture pourtant de son absence. »
Savourer pleinement un bon moment avec ses amis, apprécier un paysage comme une œuvre d’art ou simplement un bon repas, donnent le sentiment d’être du côté de ceux que la vie gâte, plutôt que de ceux qu’elle lèse.
Cette aptitude est aussi un antidote puissant au sentiment de solitude existentielle que l’on peut parfois éprouver. Pour le psychiatre et psychothérapeute Christophe André, la gratitude est « bénéfique à l’estime de soi, car elle augmente le sentiment d’appartenance à un groupe, à une lignée, à une collectivité humaine ». Robert Emmons, chercheur en psychologie à l’université de Californie, a constaté que ceux qui font régulièrement une liste des motifs pour lesquels se réjouir se sentent mieux dans leur peau, sont plus actifs et offrent une meilleure résistance au stress.

Exercices de gratitude
Une fois que l’on est convaincu de ces bienfaits, reste à mettre la gratitude en pratique. Cela ne va pas de soi car l’ironie, le scepticisme, voire le cynisme sont intellectuellement valorisés. Afficher sa joie de vivre ou son optimisme reste suspect. Les chercheurs américains reconnaissent que cela demande une certaine ouverture d’esprit. Et de museler, momentanément au moins, la petite voix nous disant que cette pratique n’est que la version comportementaliste de la vieille méthode Coué.
« Ces exercices peuvent être faits avec scepticisme, pas avec cynisme, prévient Chris Peterson. C’est pourquoi il invite tous les sceptiques à se plier régulièrement à cette pratique de manière à vaincre les résistances internes. « Faites “comme si”, jusqu’à ce que ça marche réellement. Avec le temps, l’esprit suit les mots et le changement émotionnel s’opère. »
Peterson sait de quoi il parle ; il avoue avoir eu lui-même bien du mal à faire l’exercice de la lettre de gratitude qu’il préconisait à ses étudiants. « J’ai essayé, encore et encore, jusqu’à ce que, un jour, je sente que ce que j’écrivais partait du cœur…
Voilà peut-être le nouveau défi qui s’offre à nous. Pour une vie plus vivante et plus vibrante.

Remontez la chaîne des causes et des effets qui ont apporté des éléments positifs dans votre vie
Quelle personne ou quelle suite d’événements est à l’origine de ce travail que vous aimez, de cette rencontre qui a tout changé, de ce livre ou de cette œuvre qui vous procurent tant de plaisir ? Reconnaître vos sources amène une double joie : celle d’avoir reçu et celle de reconnaître la valeur de l’autre.

Faites un bilan positif
Le soir, au coucher, déroulez le film des événements agréables que vous pouvez considérer comme des « cadeaux » de la journée : un bon repas avec une amie, une tâche menée à bien, un éclat de rire, la sensation de bien-être après une heure de sport, un coup de téléphone agréable… Chacun de ces petits « plus » vaut bien un remerciement !

Cultivez un regard neuf
En considérant comme « allant de soi » notre quotidien, nous en venons à oublier la valeur des choses. Sans se prosterner devant sa machine à laver ou sa baguette de pain, il est important de prendre le temps d’apprécier tout ce qui nous facilite la vie : l’eau qui coule à volonté, les fruits et légumes en abondance sur la table, l’air et le soleil qui entrent par la fenêtre… Après tout, ils ne sont pas des dûs.

Remerciez… lorsque vous donnez
Apprenez à ressentir le plaisir qu’il y a dans le fait de donner. Et remerciez intérieurement le bénéficiaire de votre générosité, car celui-ci vous permet sans le savoir d’entrer en contact avec la meilleure part de vous-même. Celle qui donne sans craindre d’être dépossédée, celle qui a conscience de l’infinie richesse de l’échange et du partage.

Méfiez-vous des jugements, de la comparaison, de l’envie
Ces sentiments négatifs nous font gaspiller notre énergie vitale, brident notre confiance et notre curiosité. Ils sont le fruit de nos croyances, elles-mêmes issues de nos peurs : peur de ne pas être à la hauteur, d’être déçu, malmené. Après en avoir pris conscience, efforcez-vous de les chasser de votre esprit. Cultivez à la place des sentiments d’accomplissement en vous rappelant vos succès.

Acceptez les moments difficiles
Accueillez tristesse, colère ou déception en faisant corps avec cette émotion négative, sans la nourrir ni la combattre. Cette acceptation permet d’atténuer les « montagnes russes émotionnelles » qui nous emportent. En cessant de considérer les événements sous un angle « bon » ou « mauvais », vous apprendrez à considérer la vie comme un tout, dont il est possible de savourer sans crainte les différentes saveurs.

(lire la suite en document joint)

Document(s)

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 14 juillet 2015