Joie de Noël, joie de découvrir toujours davantage le réalisme de l’Incarnation

À travers une lecture des récits de l’enfance de Jésus dans l’Évangile de Luc, je reste émerveillée de ce que Luc nous transmet, simplement à travers les mots qui désignent l’enfant. Relisons la rencontre de Marie avec sa cousine Élisabeth ; il est dit : « lorsqu’Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant (1,41) bondit dans son ventre » ; ici, le mot grec traduit par enfant est brephos qui signifie l’enfant dans le sein de sa mère, près de naître, ou le nouveau-né. En 1,42, il est écrit « et béni le fruit de ton ventre » ; le terme utilisé karpos, traduit par fruit, a pour sens premier semence ou graine.
Dans le récit de la naissance de Jésus, on passe de la semence au nouveau-né ; l’ange annonce aux bergers le signe que ce qu’il dit est vrai : « vous trouverez un nouveau-né, brephos, enveloppé de langes » ; au verset 16 « ils découvrirent Marie et Joseph et l’enfant nouveau-né, brephos, couché dans une mangeoire ». Les bergers s’empressent de « faire connaître la parole qui leur avait été dite à propos de ce petit enfant, paidion, autre mot pour désigner l’enfant. Dans les récits suivants, c’est le terme paidion qui est employé jusqu’au récit des retrouvailles dans le temple de Jérusalem. Au moment où Marie et Joseph retrouvent Jésus dans le temple, Marie s’adresse à Jésus : « Enfant, pourquoi as-tu agi ainsi envers nous ? » ; cette fois, le mot grec est teknon. Jésus répond « ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? »
Ce que l’ange avait annoncé à Marie : « Voici tu concevras et enfanteras un fils… ; celui-ci sera grand et sera appelé fils du Très Haut… » (Luc 1,31-32) se réalise ; Jésus, enfant de Marie, révèle son Père.
Grâce à sa richesse lexicale, la langue grecque emploie différents termes, que le français traduit indistinctement par « enfant », mais qui pourtant comportent les nuances nécessaires pour rendre compte de l’évolution de la vie, de la conception à la naissance, puis dans sa croissance : la graine, le nouveau-né et l’enfant. Sur le plan christologique, cette richesse ne manifeste rien de moins que le mystère de l’Incarnation que nous fêtons tout particulièrement à Noël en célébrant Dieu « né » homme.

Sr Hubert Dominique (Paris St Leu)