Commentaire des lectures du Vendredi 16 février 2024

« Pourquoi tes disciples ne jeunent-ils pas ? »
Lectures :
- Is 58,1-9a
- Ps 50, 3-4.5-6ab.18-19
- Mt 9,14-15

« Voici le jeûne que je désire… ».
Le Carême nous offre trois moyens importants pour nous aider à y entrer : la prière, le jeûne et le partage. Aujourd’hui, la liturgie nous invite à approfondir au sujet de l’un d’eux : le jeûne.
Dans les sociétés occidentales, il est très à la mode de parler du jeûne et de ses bienfaits pour le corps. Mais au-delà de cette dimension, le Carême nous offre un sens plus profond, en lien avec la transformation du cœur, ce que ce temps nous pousse à faire, pour pouvoir vivre la Pâque à fond. Une transformation dont les fruits sont la justice, la fraternité et la paix, qui sont toujours des fruits de l’Esprit de Dieu, pour ceux qui ouvrent leur vie à son action.
Mais il est vrai que réaliser cette pratique, n’est pas une garantie de vivre avec cette orientation, et que nous pouvons jeûner tout en ayant le cœur très éloigné de Dieu et de son projet, comme le dénonce la première lecture d’aujourd’hui, si opportune dans notre contexte de luttes fratricides, dans ce monde où nous sommes capables d’allumer un cierge pour Dieu et en même temps un autre pour le diable ; de nous considérer comme des personnes de religion et à la fois, déprécier, anéantir, tuer, rendre invisibles, être indifférents devant tant de vies humaines. Comment Dieu va-t-il aimer cela ? En quel Dieu croyons-nous ?
C’est pourquoi il est bon de nous rappeler quel est le jeûne que Dieu veut : défaire les chaînes injustes, détacher les courroies du joug, libérer les opprimés, briser tous les jougs, partager ton pain avec l’affamé, accueillir les pauvres sans abri, couvrir celui que tu vois nu et ne pas te désintéresser de tes proches.
Ambitieux programme d’invitations pour ce Carême qui nous fait sortir d’une vision trop égocentrique de la vie de foi pour y laisser entrer les autres avec leur situation et ce dont ils ont besoin, unique manière en réalité de pouvoir vivre une foi authentique.
Comment puis-je mieux répondre en ce moment à l’une ou l’autre de ces invitations ?

« Des jours viendront où l’époux leur sera enlevé, et alors ils jeûneront. »
S’il nous est dit dans la première lecture quel est le jeûne que Dieu attend de nous, dans l’Evangile, une question posée à Jésus de la part des disciples de Jean, nous aide à comprendre ce jeûne comme une préparation à l’expérience de la Pâque.
Les disciples de Jean jugent les disciples de jésus parce qu’ils ne jeûnent pas. Jésus leur répond d’une manière déconcertante. « Les amis de l’époux peuvent-ils garder le deuil pendant que l’époux est avec eux ? (…) Viendront les temps où l’époux leur sera enlevé, et alors ils jeûneront »
Jésus renverse la logique des disciples de Jean, qui coïncide à ce sujet avec celle des pharisiens, pour nous situer devant l’essentiel. Christ nous apporte la Vie, le Salut. Sa présence dissipe notre tristesse, notre désespérance, nos peurs ; elle est motif de joie, de partage fraternel, de célébration.
Cependant, il est vrai que cette présence nous est souvent donnée voilée, cachée, comme la semence au milieu de la terre. Et avec ce « déjà » de Vie, présent dans la semence, nous découvrons un « encore » d’attente, dont l’opacité de notre monde et de nous-mêmes ne nous rend pas si conscients. Et c’est dans cette perspective de l’attente que le jeûne trouve son sens.
Notre attente « de l’époux », est en définitive l’attente d’un monde différent, dans lequel le projet de Dieu devienne vraiment réalité.
Nous jeûnons parce qu’il y a quelque chose à venir, quelque chose dont nous avons besoin et que nous souhaitons pour bientôt ; nous jeûnons pour être plus conscients du fait que d’une manière ou d’une autre, notre vie assombrit parfois la fraternité dont nous rêvons, la teint de blessures, de douleur ; nous jeûnons pour être solidaires de la douleur de ceux qui jeûnent de tant de choses, chaque jour, à cause de la faim, de la guerre, de la solitude, de la maladie. Nous jeûnons, en touchant notre vulnérabilité, pour revenir à notre cœur et laisser Dieu nous parler et nous changer de l’intérieur pour nous rendre plus humains.
Nous jeûnons pour apprendre à être vigilants et éveillés quant aux événements à travers lesquels Dieu vient constamment dans nos vies. Nous jeûnons, non pas pour nous sentir meilleurs que les autres, mais au contraire pour sortir de notre autosuffisance, pour cultiver la reconnaissance car au milieu de notre fragilité Dieu nous offre tant de tendresse, et pour nous ouvrir au partage avec les autres de ce que nous avons reçu gratuitement.
Avec quel sens est-ce que je veux vivre ce temps de jeûne ?

Sr María FERRÁNDEZ PALENCIA