Commentaire d’évangile du 27 septembre 2023

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 9, 1-6 « Envoyés en mission »
« En ce temps-là, Jésus rassembla les Douze ; il leur donna pouvoir et autorité sur tous les démons, et de même pour faire des guérisons ; il les envoya proclamer le règne de Dieu et guérir les malades. Il leur dit : « Ne prenez rien pour la route, ni bâton, ni sac, ni pain, ni argent ; n’ayez pas chacun une tunique de rechange. Quand vous serez reçus dans une maison, restez-y ; c’est de là que vous repartirez. Et si les gens ne vous accueillent pas, sortez de la ville et secouez la poussière de vos pieds : ce sera un témoignage contre eux. » Ils partirent et ils allaient de village en village, annonçant la Bonne Nouvelle et faisant partout des guérisons. »

Pour saisir la portée de ce texte, il me semble important de le situer dans son contexte. Luc a choisi de nous relater l’appel des disciples (littéralement : des « envoyés ») (Luc 5, 1-28) parmi lesquels ont été choisis les apôtres au chapitre 6, 12-16. A cette élection, succèdent des enseignements de Jésus à ses disciples, le plus souvent inspirés par les rencontres qu’ils font (Luc 6, 17- 8, 21).
Jésus est alors le seul acteur des faits qui sont racontés, mais il est accompagné, observé et écouté par ses disciples. Il donne pouvoir aux Douze d’agir comme lui-même a agi, avec autorité, et en accomplissant des guérisons. Il les envoie avec cette mission qui comporte à la fois une proclamation du Royaume, et des guérisons à accomplir.
Il s’agit du premier envoi des disciples dans l’évangile de Luc : le récit souligne la simplicité, et la radicalité tant de la mission confiée par Jésus, que de la réponse des apôtres. Aucune question, pas la moindre contestation… Cette unanimité immédiate est-elle crédible ? Oui, diront ceux qui reconnaîtront dans cette spontanéité inconditionnelle des premiers temps la réponse à un appel à une vie religieuse ou sacerdotale aussi bien que dans l’élan amoureux qui permet de quitter toute sécurité sans un regard en arrière, ou dans l’engagement au service d’une cause qui tient à cœur. Cependant, confiance n’est pas naïveté… et l’on peut aisément imaginer que le temps du discernement, et de l’adhésion de chacun n’a pas été occulté, et que le rythme des uns et des autres peut peiner à s’accorder.
Toutefois, dans le récit que Luc fait rétrospectivement, l’accent est mis avant tout sur cette belle unanimité immédiate, que nous pouvons imaginer joyeuse et porteuse de la fécondité à venir. Le dépouillement qu’impliquent les directives données par Jésus nous apparaît teinté de légèreté, dans un souffle de liberté et la joie du don : il est en lui-même prédication de la présence du Royaume : Dieu seul suffit ! C’est bien là ce que l’évangéliste cherche à mettre en lumière.
Cependant, n’oublions pas la phase précédente : tout ce temps où les disciples ont suivi Jésus, ont écouté son enseignement, et où ils ont été témoins de cet étonnement des foules devant les actes posés par Jésus. Il est le Maître, qui les précède, qui les a enseignés à travers tout ce qu’ils ont vécu ensemble, et qui les envoie à présent tous ensemble dans cette première prédication. Oui, l’appel des disciples a été individuel, mais leur envoi en mission est collectif.
Si le regard se détourne de Celui qui est à l’origine de l’envoi, si l’on se désolidarise de ceux qui sont nos compagnons d’engagement à la suite du Christ, qu’en sera-t-il de l’annonce de la Bonne Nouvelle ? Ne serais-je pas en danger d’une quête de moi-même prenant lieu et place de la « sequella Christi » ?

Sœur Marie-Emmanuel Raffenel
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