Réflexion à l’entrée du Carême 2020

« Je suis venu accomplir … »

À Noël, nous avons contemplé le Verbe fait chair qui a planté sa tente parmi nous (Jn 1,14) et qui nous invite, tout au long de l’année liturgique, à l’écouter, à nous laisser instruire et transformer par sa Parole.

Trois dimanches de suite, la liturgie nous propose la lecture du chapitre 5 de Saint Matthieu versets 13 à 48 : le 9 février, versets 13-16
le 16 février, versets 17-37
le 23 février, versets 38-48.

Ces versets font suite à l’Évangile des Béatitudes et ouvrent la voie d’une éthique radicalement nouvelle. En effet, ils déploient les moyens de vivre dès maintenant ces Béatitudes non plus dans l’ordre de la loi mais dans celui de la surabondance du don. S’engager sur une telle voie, loin de tout rigorisme et de tout volontarisme, nous rend au contraire libres et disponibles pour accueillir le salut en Christ qui surpasse la justice et pour entrer déjà dans le Royaume des cieux afin d’en devenir les témoins vivants (v.20).
Or, Jésus, nous invitant à glorifier notre Père, déclare : « Ne croyez pas que je suis venu abolir la Loi ou les Prophètes, je ne suis pas venu abolir mais accomplir » (v.17). Il faut noter le paradoxe : nous sommes appelés à surpasser notre justice mais sans pour autant la renier car « pas un seul iota, pas un seul trait ne disparaîtra de la Loi jusqu’à ce que tout se réalise » (v.18). Ce paradoxe se dit ici en termes d’accomplissement : la nouveauté radicale du Royaume surgit au sein même de la fidélité à la Loi. La dynamique de l’accomplissement tient ensemble continuité et rupture et s’écrit en deux Testaments.

Accomplir  : le verbe employé ici par l’évangéliste signifie « remplir, combler, rendre complet ». Or, Jésus est le sujet de cet acte d’accomplissement ; c’est donc dans la personne du Christ que s’opère l’accomplissement de la Loi. Il en est lui-même l’accomplissement car il la conduit à son achèvement dans et par l’amour.
Ainsi, Il nous ouvre la possibilité d’entrer et de cheminer sur cette voie nouvelle, celle du Royaume des cieux, pour devenir « les fils de votre Père qui est aux cieux », Lui qui a souci de tous, de chaque homme, car « Il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes » (v.45-46).
À travers ces paroles : « Vous avez entendu… », et « et Moi je vous dis… », qui reviennent cinq fois au long de ces versets, Jésus nous propose d’expérimenter la logique du Royaume, cette surabondance du don, qui dépasse la logique de la Loi, à l’exemple de « notre Père des Cieux » et de Jésus lui-même : « Si votre justice ne surpasse pas… ».
En acceptant d’entrer dans cette logique du don, nous renonçons à compter sur nos propres forces mais nous choisissons de prier le Père, en Jésus, d’envoyer le Don promis, l’Esprit Saint, qui nous fera vivre de cette plénitude afin que nous devenions « parfaits » c’est-à-dire « achevés », accomplis dans l’amour, comme « votre Père est parfait ».

Au début du Carême, le mercredi des Cendres, nous lisons le chapitre 6 de Matthieu, invitation à suivre Jésus qui va jusqu’au bout du don, réalisé à la Croix (cf. Jean 13,1 et 19,30).

Sœur Hubert-Dominique Dufour