Rencontre de l’interjuniorat à Orsay
Du 4 au 6 janvier, nous avons participé avec Sr Federica à la rencontre de l’interjuniorat de la France Ouest à Orsay. Nous étions nombreuses, entre les sœurs en formation (42, provenant de divers pays), les responsables de formation et/ou responsables de communauté.
La CRSD comptait à elle seule 12 sœurs, ce qui fut bien sympathique ! Joie aussi de retrouver Sr Enrica à cette occasion. Nous avons entendu toutes ensemble les conférences mais le travail de groupe était adapté à chaque catégorie.
C’est le P. Jean Claude Lavigne OP qui animait cette seconde session ayant pour thème annuel « Avec St Paul, devenons disciple-missionnaire pour la Vie ! » et cette fois-ci : « Disciple missionnaire : comment nous situer dans notre dimension de disciple consacrée dans la vie religieuse apostolique dans notre société plurielle ».
Voici quelques points très résumés des interventions :
Le disciple missionnaire choisit une manière d’être avec 3 défis inséparables :
La dénonciation de ce qui n’est pas conforme à l’Evangile, au projet de Dieu sur l’humanité. Pour la plupart, les congrégations sont nées d’une forme de dénonciation.
La dénonciation ne va pas sans l’annonciation d’un monde autre à travers des réponses concrètes
La visitation : être religieux, c’est aimer rencontrer les personnes, être en relation.
Ce sont 3 dimensions caractéristiques du prophète et que l’on retrouve dans la vie de Saint Paul (je vous laisse chercher et les retrouver… !)
Comment vivre ces 3 dimensions dans le monde globalisé d’aujourd’hui, comment être prophète dans ce monde où toutes les cultures sont touchées par la finance qui régit les pays, même dans les zones les plus reculées.
C’est un monde connecté, unifié par la communication, les réseaux sociaux. Les cultures finissent par se rapprocher ce qui conduit à plus d’uniformité mais non à l’unité. D’où la violence aussi. L’unité ne se construit pas sur la similitude mais sur les différences.
Notre véritable identité n’est pas d’être européen ou africain ou asiatique, mais c’est bien notre cœur profond. Il faut « déconstruire » nos fausses identités, celles que l’on donne aux autres, dépasser les barrières culturelles pour vivre notre identité d’enfants de Dieu, de baptisées. Ne pas enfermer l’autre dans un stéréotype : c’est cela la conversion.
« Déconstruire » pour devenir missionnaire. Nous sommes appelées à construire une fraternité sans frontières. Les différences ne sont pas à gérer mais une opportunité. Les politiques divisent souvent, les chrétiens sont missionnaires quand ils proposent une alternative.
3 attitudes qui correspondent à la dénonciation, l’annonciation, la visitation :
S’intéresser à l’autre et chercher à le comprendre tel qu’il est, écouter le cri du monde, se passionner pour la vie et en être touchée quand elle est blessée… On est là pour engendrer la vie.
Apprendre à déconstruire les identités de l’autre à les accueillant multiples. Ne pas mélanger tempérament, trait de caractère avec sa culture.
Être chrétien c’est un vrai travail à faire dans sa propre communauté pour pouvoir aider les autres à le faire.
Construire des relations de fraternités. Nous considérer nous-mêmes comme des transfrontaliers. Être des femmes d’amitié. L’amitié c’est difficile, fragile mais très précieux : c’est ce qui va permettre de construire la fraternité.
La parole doit être au service de la vie. Apprenons à nous parler. Mais parler, c’est d’abord écouter.
On est dans un corps collectif. On ne se met pas en scène tout seul ; on est des prophètes collectifs. Cela suppose plus de lenteur.
Ne pas demander à quelqu’un d’où il vient mais où il va. L’autre peut « advenir ». Chacun est plus qu’il ne parait. Ne jamais l’enfermer dans une catégorie, un passé… Être missionnaire, c’est libérer la vie en l’autre.
Ne pas regarder le monde non plus de manière figée. Il est en continuel mouvement, changement…
Être missionnaire, c’est être intéressé par les questions du monde, de nos proches ; c’est avoir le goût pour la nouveauté, être capable de s’étonner ce qui provoque l’agir. Mais entre l’étonnement et l’agir, il y a la peur. 3 peurs peuvent bloquer cette dynamique :
La peur psychologique, la néophobie (peur de la nouveauté) provoque la psycho-rigidité. Il faut apprendre à lâcher prise, vivre la confiance ;
La peur culturelle qui touche à notre éducation familiale, comment nous avons appris à vivre ;
La peur sociologique, par exemple notre relation aux anciens, à l’autorité…
Jésus nous donne les clés pour apprendre à traverser nos peurs.
Plutôt que la mission « ad gentes », on parle de mission « inter gentes » (parmi les gens), « cum gentes » (avec les gens). On est missionnaire avec une pédagogie de l’engendrement plus que d’encadrement. Chercher à connaitre les besoins des autres peut être une fausse question : on projette sur les autres ce que l’on voudrait leur donner. Il faut une approche plus combattive et ouvrir des brèches, chercher par où s’engouffrer pour que la vie l’emporte sur la mort.
Proposition de 6 terrains de mission dans lequel développer notre créativité, à partir de 6 personnages bibliques :
Simon de Cyrène : la solidarité. Comment être créatif aujourd’hui dans les situations de mort que la terre et les hommes connaissent.
Amos : fonction prophétique. La vie consacrée est une école de justice et de vérité. Où est notre audace pour instaurer la justice et la vérité ?
Samuel : l’écoute. Notre monde a besoin de lieux et de personnes qui favorisent l’écoute. Il faut recevoir la douleur du monde pour l’offrir à Dieu et recevoir la douceur de Dieu pour la donner au monde.
Marie : la prière et le silence. Offrir des espaces de silence dans un monde qui se noie dans le bruit. Besoin d’intériorité, de gratuité comme la rose qui offre son parfum sans « pourquoi ». Ne pas chercher l’efficacité : la vie consacrée ne sert à rien et pourtant c’est là que tout se joue !
Le cantique des cantiques : la beauté. C’est une voie importante pour la mission, qui permet un chemin vers Dieu, même pour des gens qui sont loin de Lui. Offrir la beauté aux humiliés. Beauté et solidarité : la diaconie de la beauté.
Jérémie : la Parole. « Que vois-tu ? Une branche d’amandier… ». Percevoir ce que les autres ne voient pas et le leur dire. Voir ce qui germe et l’annoncer. Mais voir aussi le danger qui menace. Trouver les mots « ciblés » pour le dire.
Invitation à partir de là à trouver d’autres terrains de mission dans lesquels chacun peut oeuvrer…
Sr Marie Jean Mouton-Brady