Si Catherine de Sienne écrivait aujourd’hui...
1. Quand les statues parlent.
Il arrive que parfois aussi les statues parlent ! En cette lointaine année 1970, tout était agitation et les pavés volaient en l’air pour casser les vitrines des magasins, les amphithéâtres des universités… Mais c’étaient surtout les têtes et les cœurs qui étaient en pleine effervescence...
Tous en bloc, on se sentait forts, prêts à renverser, voire même à bouleverser les structures sociales qui nous opprimaient, c’était du moins ainsi qu’on le ressentait : on avait l’impression d’être comme des chenilles devenues des papillons prêts à s’envoler dans le ciel…
Cette période fait désormais partie de l’histoire et on l’appelle d’une manière générale : les Années Soixante-Huit.
Si aujourd’hui on demande à nos jeunes ce que c’est, on serait sans doute assez surpris car ils n’en savent pratiquement rien. Plus d’une fois des jeunes de vingt ou trente ans m’ont demandé de leur expliquer ce qu’étaient ces années « 68 » : leurs parents leur en parlent comme d’un tournant d’une époque et avec un léger orgueil d’appartenance, un peu à la manière de celui qui a fait la guerre des tranchées. Et puis peut-être aussi que beaucoup d’entre nous ont vécu cette période comme un match de football : c’est vrai que dans ce déferlement d’idées et de rêves celui qui semblait n’être qu’un spectateur s’est même parfois retrouvé aussi acteur.
C’est un peu comme l’inondation de Florence qui semblait être un avertissement prophétique pour la société non seulement italienne, mais aussi européenne. Ainsi la digue a sauté de l’au-delà des Alpes, de la France.
Et alors, je ne sais pas si vous avez la même impression que moi, mais on se sent comme une cheville, même petite, de l’histoire. On n’est pas une pièce de musée, mais une personne avec une certaine responsabilité sur toutes les générations : la responsabilité de la mémoire.
Il n’est certes pas dans mon intention de faire l’analyse ou le procès des Années 68, mais simplement de raconter l’histoire d’une rencontre survenue dans ce climat incandescent dont il reste peut-être une certaine nostalgie de radicalité, d’engagement et de capacité à se compromettre.
Ce fut un dédale inextricable d’idéaux et d’illusions, de violentes exagérations et d’occasions de descendre dans les rues, c’est vrai. Ils sont nombreux ceux qui défilaient anonymement dans les rues, qui lançaient les pavés, et qui ont payé de leur propre poche la désillusion devant l’aplatissement de tous ceux qui les avaient poussés en avant. Pour d’autres, cela signifie aussi des années de plomb et pour d’autres encore, finalement, une désorientation après l’abandon des premiers grands choix existentiels.
J’aurais pu faire partie de ces derniers.
Mais ce n’est pas sur le « Mai 68 » français et sur ses conséquences que je veux m’attarder, je désire vous raconter une expérience qui m’est arrivée en rencontrant une statue.
Oui, à Rome, j’ai rencontré une… statue… Et quelquefois, les statues aussi parlent !
Sr M. Elena op